Quand le Musée d'Orsay expose la splendeur et la misère...

Il y a quinze jours, je suis allée à l'exposition "Splendeurs et misères" au Musée d'Orsay.

Afin de me plonger au cœur de cet univers fascinant et dérangeant, j'ai cassé ma tirelire pour m'offrir une visité guidée et commentée. J'ai pu ainsi en apprendre plus sur les peintres de l'époque et me trouver devant des objets ayant appartenus aux prostituées.

Orsay s'est inspiré du roman de Balzac "Splendeurs et misères des courtisanes" pour nous faire voyager à travers le temps. Après les expositions "Crimes & châtiments" et "Sade", le Musée ose une nouvelle fois aborder un thème particulier.

L'exposition est organisée en cinq salles différentes qui ont pour nom : "Ambiguïté", "La maison close", "Aristocratie du vice", "Imaginaire de la prostitution" et "Prostitution et modernité".

Les premières peintures donnent le ton. Nous voilà immobiles devant de belles filles de bonne famille mais quand on y regarde de plus près et lorsque l'on connait les codes liés à la prostitution, nos regards posés sur ses œuvres changent. On observe, on comprend, on chuchote, on devine.

Et tout au long de la visite, s'enchaînent une multitudes d'anecdotes :

On y apprend que le mot "prostitué" signifie littéralement "mettre en avant, exposer au public". Ce que font également les peintres finalement : exposer au public ; comme quoi !

On y apprend aussi qu'avant être une gare et un musée, Orsay était un hôtel de 370 chambres avec la particularité d'avoir une baignoire dans chacune d'elle ; comme dans toutes les maisons closes d'ailleurs. On y apprend que les premières maisons de tolérance ouvrent en 1804 sous Napoléon, que Manet meurt de la syphilis après avoir fricoté avec une insoumise, que Toulouse Lautrec passait sa vie dans les bordels de luxe et tout un tas d'autres choses totalement incroyables et fascinants !
On y apprend également qu'il y a des codes qui permettent de reconnaître une prostituée sur une œuvre. Par exemple, les couleurs prédominantes dans la peinture : le rouge bien sûr et le vert.
Saviez-vous également qu'à cette époque là, les femmes qui se teignaient les cheveux en rouge étaient des prostituées ?


Tout au long de la visite, vous divaguez entre les peintures de Degas, Picasso, Tissot, Manet, Toulouse Lautrec, Courbet et bien d'autres, qui ont aimé passionnément ces femmes que l'on appelaient aussi des "pierreuses" (pourquoi ce terme ? tout simplement parce qu'elles foulaient les trottoirs toute la journée). Ils peignaient les soumises (prostituées présentes dans les maisons de tolérance) et les insoumises (celles qui travaillaient dans la rue).

Les prostituées y sont souvent peintes dans les bistrots. Elles sont souvent seules assises à une table fumant et buvant de l'alcool. Elles ont le regard fuyant ou évasif. Il existait déjà à l'époque des racoleuses qui étaient payées au nombre de verres que les clients du bistrot buvaient. Souvent, elles se faisaient repérer par les mères maquerelles. Elles devaient alors demander l'autorisation à leurs "protecteurs" de quitter l'établissement où elles travaillaient pour rejoindre les maisons.

"Attablées, dès l'heure de l'absinthe sur le devant des cafés, provocantes, le visage plâtré, la lèvre rouge, humant la cigarette, elles montraient le genou levé sur un petit banc, leur bottine à talon haut "

La française du siècle - Octave Uzanne, 1886

Les petits rats de l'opéra :

"Le ballet est ignoble. C'est une exposition de filles à vendre..."


On dit qu'à l'époque, avant même que l'opéra Garnier prenne ce nom et sa place actuelle, (l'opéra se situait rue Peletier avant qu'il brûle), les bonhommes laissaient femmes et enfants après le ballet. Ils se carapataient alors dans les coulisses pour rejoindre les danseuses plus connues sous le nom de rats.

Ces dernières, de milieu modeste, étaient réputées pour leurs souplesses et leurs dextérités. Ce qui se passait ensuite dans les arrières salles... nous pouvons aisément le deviner !

Les prisons, les maladies :

On ne peut pas parler de maisons closes et de prostituées sans parler de maladie, de syphilis et de la prison Saint Lazare. Entre 1795 et 1932, les insoumises étaient emprisonnées là bas et les filles atteintes de la syphilis étaient hospitalisées pendant des mois.


Vers la fin de la visite, nous atteignons les salles traitant de la prostitution moderne située entre la fin de 19ème et début du 20ème. Personnellement, j'ai senti ces femmes me parler au creux de mon oreille. Je les ai entendu me raconter leurs vies et leur quotidien. Alors je me suis assise sur les fauteuils en velours rouge et j'ai été projetée dans leur monde.

Le petit plus coquin :

A l'intérieur de cette exposition se cachent derrière de grands rideaux en velours rouges des endroits réservés au plus de 18 ans. On peut y voir des photos pornographiques de l'époque ainsi qu'un film de ces années là. Hallucinant, je dois dire ! On en perd même ses repères ! On est plongés dans un autre univers, dans un autre monde. Ce n'est pas du voyeurisme mais de l'artistique. Les photos pornographiques n'ont rien à voir avec ce que nous pouvons voir aujourd'hui. C'est une autre dimension, une autre approche, un autre regard.


Bref, vous l'aurez compris, cet article pourrait faire encore des pages et des pages mais le mieux serait d'aller faire un tour à cette merveilleuse exposition.

Alors bonne visite et n'hésitez pas à intervenir sir vous aussi vous avez aimé ou pas,
sOnia