Chronique « Traquemage, tome 1 – Le Serment des pécadous »
Scénario de Wilfrid Lupano, dessin de Relom, couleurs de Degreff
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Humour, rural Fantasy
Paru aux éditions « Delcourt », 2 septembre 2015, 54 pages couleur, 14,95 euros
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L’Histoire
Le pécadou, étonnant fromage de cornebique, fait la fierté de Pistolin. Mais avec la guerre que se livrent les mages, la vie dans la montagne est devenue impossible. Après avoir été le témoin de l’extermination de son troupeau, puis de son village, notre héros fait le serment de traquer les mages et de les tuer tous. Accompagné par Myrtille, l’unique survivante de son troupeau, Pistolin part accomplir sa vengeance. Sa première mission : exterminer la fée Pâquerette, dont il a entendu parler au marché aux bestiaux de Pétagnou. C’est tout à fait réalisable car cette fée de toute petite taille à la fâcheuse habitude de picoler comme le pire troll des tavernes, de chanter comme une vulgaire beuglante de rade malfamé et d’oublier ses charmes magiques.
L’aventure sera sauvage et… drôle.
Rural fantasy fromagère non pasteurisée, aux gros laids crus
Traquemage : une histoire, un terroir, des traditions. C’est ainsi que Wilfrid Lupano définit sa nouvelle série, avec ce talent pour les formules imagées. Des bons mots, des dialogues savoureux, le scénariste régale de cette verve assez unique dont il joue sur toutes ses séries humoristiques (« L’homme qui n’aimait pas les armes à feu« , « Les Vieux Fourneaux« …). Pour ce « Traquemage », il fait dans la caricature à gros traits, jouant d’un axe volontairement très paysan pour nous offrir un trio de personnages centraux aussi savoureux que mal dégrossis. Pistolin, la fée Pâquerette et Myrtille, un joli trio d’anti-héros, toujours à côtés de leurs sabots avec un énorme talent pour tout dévaster sur leur passage, tant leur incompétence est grande.
Si Lupano rend hommage à F’murr dans la scène de carnage qui dévaste le troupeau de brebis de Pistolin, en début d’album, je pense qu’il s’ingénie à faire de la Fantasy dans un esprit à la Gotlib avec ce trio d’aventuriers à contre-sens. Comment ne pas faire une comparaison avec Gai-Luron, Belle-Lurette et la fameuse coccinelle qui nous régalait de ses gags en second niveau de lecture ? Myrtille est en ce sens une superbe réussite, cible privilégiée des sorts ratés de Pâquerette, elle expérimente ses divers dons en parallèle de l’aventure, quand elle ne réapparait pas soudainement pour une action des plus dramatiques ! Oui, Myrtille m’a bien fait marrer !
Au dessin, Relom accentue la force de cette joviale et potache caricature de Fantasy, de ses personnages aux trognes improbables, aux expressions férocement drôles. Son trait fait mouche, renforçant les gags à répétition imaginés par Lupano. Quelques scènes sont de très belles réussites : l’escalade et l’anéantissement des cornebiques, l’histoire des mages racontées au travers d’un grimoire en forme de pop-up, les rencontres avec le dragon ou avec la Dame des bois. Le dessinateur est dans un registre où il semble s’être particulièrement amusé. Les couleurs douces de Degreff renforcent l’impact pastoral de ce road-moovie en terres de magie noire et féroce.
Pour résumer
Une fois de plus, Lupano fait la démonstration d’un talent habile à transformer tout ce qu’il touche en un excellent moment de lecture – ici, truculent, voire hilarant – en choisissant un axe original et inattendu face à un genre si galvaudé et bien trop épuisé par les redites. La Fantasy avait besoin d’un regard amusant et amusé pour se renouveler. Lupano et Relom nous l’offrent, certes avec un esprit très potache, mais en revisitant avec beaucoup d’humour les grandes thématiques du genre. Et surtout, ils imposent un trio de personnages que l’on aura beaucoup de plaisir à retrouver dans leur folle quête de la destruction de la magie. Une mission forcément impossible qui a de multiples ressorts à faire tressauter de leurs boîtes à facéties.
Vivement un prochain pécadou aux gros laids crus. Et quelques fumeux gags de Myrtille !