FUTU.RE – Dmitry Glukhovsky

Par Cpmonstre

WARNING ! WARNING ! COUP DE COEUR DÉTECTÉ !

Je décale un peu le planning des billets (mais bien sûr qu'il y a une organisation sur ce blog même si cela n'en a pas l'air du tout) et je squeeze aujourd'hui le bilan du mois pour vous parler de la nouveauté des éditions L'Atalante et dernier né de Dmitry Glukhovsky () que j'avais vu en dédicace le mois dernier. J'ai mis deux semaines pour terminer ce pavé de 730 pages (fini officiellement hier matin avec le premier café dominical), alors que sincèrement j'étais bien partie pour plier l'affaire en 5 jours, mais je me suis retenue. Un moment donné je me suis dit : " Wow wow wow ! Take it easy little chaton ! Cette histoire ne mérite pas d'être expédiée, mais savourée et dégustée à sa juste valeur. " Et franchement, sans me jeter des fleurs, j'ai eu raison. Je vous préviens mon avis est tellement long que j'ai dû remettre mes intertitres.

De quoi ça parle ?

Pour situer un peu le contexte, l'histoire se situe dans une nouvelle Europe du XXVIe siècle qui compte grosso modo 120 milliards d'êtres humains. Décrite comme une unique entité géopolitique, Coruscant l'Europe n'est constituée que d'immenses tours d'1 à 2km de circonférence construites au-dessus des ruines de notre ancien monde qui telle une mouche dans un bocal de formol se retrouvent prises au piège. Dans l'univers de FUTU.RE, l'espèce humaine est devenue immortelle. Cependant, pour réguler la démographie, le gouvernement a mis en place un système de contrôle des naissances très stricte : chaque grossesse doit être enregistrée et l'un des deux parents doit se sacrifier en se faisant injecter un accélérateur de vieillesse qui lui laisse à peine 10 ans d'existence. Une vie pour une vie.

Cette régulation est contrôlée par une équipe de force spéciale appelés les Immortels et dont le symbole est le masque d'Apollon qu'ils portent (cf. la couverture du roman). Violents et ultra conditionnés depuis leur enfance, ces hommes représentent l'idéologie selon laquelle la procréation, la parentalité, la descendance, la Nature en somme, sont des abominations et les ennemis de cette société " idéale " convaincue que l'immortalité est la meilleure chose qui ait pu arriver à l'Homme.

Le roman suit l'un de ces Immortels, Jan Nachtigal qui est ici l'anti-héros type de science-fiction : il n'a pas de capacités extraordinaires et il n'est pas meilleur qu'un autre au contraire. Peut-être que son cynisme et son ironie le sauve par moment humainement parlant, mais il est tellement conditionné et assuré du bien-fondé de l'idéologie de sa société qu'il ne la remet pas en question. Jusqu'au jour où il croise la route d'une femme.

Alors, ça vaut le coup ou pas ?

FUTU.RE est sans doute un de mes plus gros coups de coeur de l'année 2015. L'écriture de Glukhovski est encore une fois percutante, romanesque et profondément humaine par contraste avec l'inhumanité qui ressort du propos. Et ce sans jamais tomber dans un discours pompeux et philosophique de science-fiction. Bien sûr on pensera aux grands auteurs comme Asimov, Orwell et K. Dick (je n'ai pas pu m'empêcher de penser par moment à " Blade Runner "), mais l'auteur arrive avec une certaine inventivité et simplicité à écrire sur le genre de la contre-utopie totalitaire, souvent éreinté par les nombreuses adaptations cinématographiques de ces dernières décennies.

La société de FUTU.RE, faussement utopique donc, est comme une grosse marmite sur le point d'exploser qui cultive la violence d'une politique dictatoriale et qui bafoue toutes les libertés humaines. Ici il n'y a pas de débat sur le bien fondé de l'immortalité, car dès le départ on sait que c'est un système dysfonctionnel : les habitants prennent des drogues pour être heureux et pour ne plus penser, entre autres. Non, ici l'idée de " contrôle " est le fil rouge du roman. Le contrôle de la Nature, le contrôle de notre existence et de notre mort, le contrôle politique ce qui implique les médias et la population. Même cette idée effleure le personnage principale Jan, qui malgré son entraînement et son lavage de cerveau, inspire à reprendre le contrôle de sa vie et de ses choix. Nous avons affaire à une société qui s'évertue à croire que le contrôle de la Nature humaine est possible, alors que clairement ça ne marche pas. Vouloir changer ce pour quoi nous sommes programmés génétiquement (besoin et désir de procréation par exemple) est une illusion et je trouve que cela rentre bien en résonance avec notre époque. Rien que le contrôle des naissances rappelle la Chine (qui se rétracte petit à petit depuis) qui dans le roman a trouvé ironiquement une meilleure solution : stériliser toute la population. Ah ceux-là, toujours un coup d'avance sur les autres !

Il y aurait tellement de choses à dire, mais je vais m'arrêter là car c'est déjà un looong billet. Je finirai juste par ceci : c'est un roman d'une grande puissance. Le rythme est gardé tout le long, entre actions, rebondissements, intrigues secondaires et réflexions. Les pages se tournent à une vitesse et j'ai eu bien du mal à devoir m'arrêter pour en garder chaque jour. Je le conseille à tous, même ceux qui ne sont pas friands de science-fiction (Grand-mère, si tu passes par là, tu le notes, je t'en reparlerai).

Vous savez maintenant ce qui vous reste à faire.

Je le fais rarement, mais j'ai tellement aimé la critique qu'en a fait Mr. K du Capharnaüm Eclairé que je vous invite à y aller jeter un coup d'oeil, si vous n'êtes pas encore convaincus.