Il y a des femmes qui donnent la vie et des hommes qui la prennent ; il y a des hommes qui font battre le cœur et des femmes qui le brisent en mille morceaux : la théorie du genre a ses raisons dont le pragmatisme se bat les couilles. Et si haïr la gent féminine au comptoir d’un bar en sifflant une bière avec d’autres torses velus, insulter la gent masculine entre deux lampées de nutella à côté d’autres culs flasques qui lorgnent aussi sur le pot, sauter à pieds joints dans une flaque de généralités nous font du bien sur le coup, à un moment il faudra bien rentrer, passer à la machine le linge souillé, prendre un bain pour décoller l’amertume et la colère, enfiler un costume et un joli sourire, s’apprêter pour ouvrir la porte quand la sonnerie de l’interphone résonnera à nouveau dans tout l’appartement. Mais faut avouer que la gueule écrasée contre le plancher du salon, la boîte d’anxiolytiques, la bouteille à moitié vide sur la table basse, et l’eau qui coule depuis des plombes dans la salle de bain font que la sonnerie qui retentit, on l’entend beaucoup moins bien.
Il y a des hommes qui confondent deuxième chance et manque d’exigences ; il y a des femmes qui préfèrent se confondre en excuses et laisser leur amour propre au milieu du linge sale plutôt que de mettre un pied dans le grand lit froid où les cafards grouillent et les moutons bêlent trop fort. Tous les hommes, toutes les femmes naissent libres et égales, mais ils portent déjà sur leurs épaules, tout juste sortis de l’œuf, les peines les rancœurs et les aigreurs d’estomac de toutes ces générations qui avant eux ont fini par fermer leur porte à double tour, entretenu le feu de leur cheminée avec les pages des contes de fées et pavé leur enfer des bonnes intentions des autres. Tous les hommes, toutes les femmes naissent libres et égaux mais ils traînent déjà à leurs pieds, tout juste sortis de l’œuf, les peurs les colères et les ongles incarnés de toutes ces générations qui avant eux ont bâti des châteaux de sable que la marée a engloutis, ont pris pour du béton ces murs gonflés d’espoir et de promesses contre lesquels ils se sont cassés le nez, le cœur et le doigt du milieu.
Tous les hommes sont des porcs, toutes les femmes des connasses. Et alors quoi, qu’on ne vienne pas leur chier une pendule parce que, depuis que tu as claqué la porte de l’entrée ils ne savent pas voir plus loin que les idées reçues. Et alors quoi, qu’on ne vienne pas boucher mes waters parce que, depuis que tu as emporté avec toi mes rêves de môme, je me sens à l’étroit dans les robes de princesses et que mes orteils ne tiennent plus en place dans les souliers de verre.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle. Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis, au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/