Auteur : Carole Martinez
Editeur : Gallimard
Date de parution : 20 août 2015
360 pages
Première phrase de la quatrième de couverture : Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort !
Nul besoin d’en savoir davantage. On a envie de se plonger dans un univers moyenâgeux ou pas.
J’ai lu les deux premiers romans de Carole Martinez et sans conteste, mon préféré reste son premier, Le cœur cousu. Je conseillerais d’ailleurs à ceux qui ne connaissent pas l’auteur de ne pas commencer par La terre qui penche.
L’auteur a pris le parti de raconter cette histoire à deux voix : celle de Blanche, enfant, de son vivant et celle de la vieille âme qu’elle est devenue. Personnellement, je n’ai pas vu l’intérêt de ce choix narratif. Je n’ai pas l’impression que cela apporte grand-chose à l’histoire. Je ne dis pas que c’est inintéressant, loin de là, je dis juste que je n’y ai pas trouvé matière à mieux comprendre l’histoire ou à mieux ressentir l’atmosphère ou à apporter un éclairage différent. Mais peut-être n’y ai-je tout simplement pas été sensible.
J’ai aussi eu un peu de mal à entrer dans ce roman. Il m’a fallu quelques dizaines de pages pour m’enlever de l’idée qu’il y avait quelque chose de factice (peut-être à cause des deux voix) dans ce roman-là.
Et puis, peu à peu, au fur et à mesure que l’histoire dévidait son contenu mi-merveilleux, mi-réel, je me suis mise à chevaucher aux côtés des deux enfants, à éprouver de la colère contre Jacques, à apprécier le personnage tout en finesse et en folie d’ Aymon, à m’attendrir devant la loyauté et la fraîcheur d’Eloi et à attendre le retour de la Loue, cette femme faite rivière qui se venge des hommes en les noyant dans son lit.
Il y a de très belles pages, très poétiques, une belle écriture mais… parfois j’ai eu ce sentiment étrange et pénétrant que l’auteur se regardait parfois écrire… et alors le côté artificiel surgissait et me gênait.
Côté historique, il me semble (mais je n’y connais pas grand-chose) que cette époque est parfaitement décrite, avec son lot de superstitions, ses maladies, son diable filou, le poids de l’église, ses mariages forcés, ses seigneurs et ses serfs, ses morts, ses hommes qui ne pensent qu’à guerroyer…
C’est donc un bon roman, qui se lit sans déplaisir et même avec plaisir mais ce n’est, à mon humble avis, pas le meilleur de l’auteur.
Tiens, voilà un extrait qui contredit ce que je disais de l’utilité de la vieille âme :
« Les religions grandissent, vieillissent et, sans doute, finiront-elles toutes par tourner au mythe. Certaines s’enkystent pour survivre, d’autres luttent pour s’imposer, pour rester vivantes, puissantes, effrayantes. Il arrive que des assoiffés de pouvoir dirigent des affamés de sens, leur tracent la voie à suivre, utilisent les plus sauvages pour régner sur les craintifs et terrasser les autres.
Car qui mieux que Dieu peut légitimer un pouvoir temporel ?
Que Dieu soit muet arrange bien les choses.
Il me semble qu’une religion ne prend sens que si elle se dépouille absolument de ce pouvoir-là et ne craint plus sa fin. Quand elle ne s’impose plus par force ou effroi, alors seulement, elle devient spirituelle et précieuse. »
Blanche n’aurait jamais pu avoir cette réflexion en 1361, bien sûr. Seule une âme qui a traversé les siècles peut se permettre de penser de la sorte…