de Isuna Hasekura, illustrations de Jyuu Ayakura
Lawrence est un marchand itinérant solitaire qui rêve du jour où il pourra s’installer pour de bon et ouvrir sa propre échoppe. Un après-midi comme les autres, alors qu’il sillonne le pays, il rencontre Holo, une jeune fille taciturne qui affirme être la déesse des moissons.
Un grand merci aux éditions Ofelbe et au site Babélio qui m’ont permis de recevoir ce livre ! Car même si vous ne voyez pas de chroniques manga sur le site et qu’aujourd’hui il est vrai que j’en lis assez peu, je suis très familière du milieu manga et japanimation, j’ai étudié le japonais pendant quelques années et j’ai vécu à Tokyo. J’étais donc très heureuse que Babélio me propose ce partenariat.
A ce que j’ai compris, le roman Spice & Wolf est l’adaptation de la série manga éponyme et regroupe les quatre premiers tomes de la saga. La volonté ou le besoin de l’auteur de donner une nouvelle forme à son œuvre ne sont pas expliqués (peut-être même que c’est un choix de l’éditeur mais on ne le sait pas) et je trouve cela dommage car il est assez difficile de le comprendre autrement.
On imaginerait facilement l’œuvre adaptée en animé (ce qui a été fait au Japon) mais je ne suis pas certaine que le roman soit un choix pertinent ici et ce pour plusieurs raisons.
Que cela soit dans les dialogues ou le rythme, on distingue une « touche » propre au format manga qui passe assez mal dans un récit dense.
C’est vrai qu’il y a un tempo différent dans les œuvres de fiction japonaises ; quelque chose d’un peu plus lent et qui s’attarde là où un esprit occidental ne le ferait pas. Mais c’est une gymnastique à prendre et j’ose croire que, depuis le temps, je m’y suis faite. Pourtant, il y a des longueurs agaçantes dans ce récit qui auraient pu être évitées, des répétitions ou encore des explications bien ennuyeuses.
Centrer une intrigue autours du commerce, des marchés, des valeurs monétaires et d’arnaques auraient pu être palpitant mais Hasekura se perd dans les détails commerciaux aux dépends du rythme de son récit, de l’attention du lecteur. Cela me fait croire que ce dernier n’a peut-être pas été correctement retravaillé avant d’être formaté en roman.
En ce qui concerne la structure, j’ai été désolée de voir que l’auteur construit des situations illogiques et fait prendre à ses personnages des décisions absurdes juste pour amener son récit où il veut (on ne sait pas bien où d’ailleurs) ce qui détruit la crédibilité et la qualité de son texte en général.
Si c’est évident à certains moments, d’autres malheureux passages me donnent à penser que le traducteur, dont le nom n’est mentionné nulle part sur ce livre, a quelques responsabilités quant à la gêne que j’ai ressentie pendant ma lecture. Traduire un texte japonais en français (ou l’inverse) n’est pas facile du tout. Il est même souvent plus aisé de passer par un texte intermédiaire en anglais. Et même lorsque la traduction est brillamment opérée, il subsiste des traces dans le texte final ; des expressions ou des comparaisons intraduisibles, une respiration et un vocabulaire particulier. Mais quand je lis ça :
Lawrence s’apprêtait à ouvrir la bouche face à sa souffrance [celle de Holo] évidente quand il entendit un bruit étrange.
Fshiou-Fshiou-Fshiou-Fshiou.
On aurait dit la galopade de souris dans une forêt, à laquelle succéda un bruit sourd.
Je ne sais pas qui blâmer.
On retrouve aussi énormément d’onomatopées du type « Humm… », « Grr.. », « Ahahah ! » et « Guh… » qui ne gênent pas du tout dans les bulles d’une BD mais qui font ici l’objet d’une ligne de dialogue à eux seuls et cela ne fonctionne pas. De plus, ces derniers sont souvent longs, redondants avec les paragraphes explicatifs qui les précèdent et parfois même inutiles car n’apportant rien au récit ou aux personnages.
Ce qui est d’ailleurs bien dommage car les personnages n’ont déjà pas grand chose pour eux. Lawrence est un garçon sans trop de caractère et qui ne pense que « comme un homme » ou « comme un marchand » autrement dit, sexe et argent. Holo, quant à elle, est juste une personnalisation de tous les fantasmes nippons. Sa personnalité joue aux montagnes russes pour épouser l’archétype utile dans la scène : elle est mignonne puis en colère (mais une colère trop mignonne), puis sérieuse, puis très intelligente et perspicace, puis niaise et re-mignonne, naïve et débile, capricieuse, bagarreuse, fragile, douce, chaudasse, nonne… Et ça m’a vraiment saoulé ! L’auteur a clairement voulu créer une dynamique explosive entre eux qui se chamaillent tout le temps, un je-t’aime-moi-non-plus mais cela ne fonctionne pas vraiment. Je ne me suis attachée ni à eux ni a leur relation.
Et puis j’ai lu ça :
Et il est vrai que la majorité des nonnes étaient magnifiques. C’était en partie dû au fait qu’elles étaient respectueuses, pures et chastes, mais aussi parce que beaucoup d’enfants illégitimes de nobles finissaient au monastère.
Ma colère a alors explosé ! Rien ne va dans ces deux phrases, rien ! J’adore le Japon mais la misogynie banalisée qui y règne m’exaspère. Et s’il existe heureusement plein d’œuvres de fiction qui tournent le dos à ces stéréotypes, Spice&Wolf n’en fait absolument pas partie.
Pourtant, je crois que ce qui a réellement tué le reste de sympathie que j’avais pour cette œuvre se trouve dans les postfaces. A l’origine, ils doivent se trouver à la fin de chaque volume du manga et on peut lire ceci dans celui du tome 2 :
Mais si vous voulez vraiment savoir le plus choquant, c’est qu’en commençant l’écriture de ce volume, j’avais complètement oublié la personnalité que j’avais donné au deux héros.
Hasekura voit ça comme une petite plaisanterie, rien de bien grave. Mais si l’auteur lui-même ne s’implique pas dans son œuvre, pourquoi le ferais-je ?
Marion