Avant toute chose, voici mon message principal : je vous recommande cette lecture.
Qui que vous soyez, là, derrière votre ordinateur ou votre téléphone, allez dénicher ce livre à la bibliothèque et accordez-vous une heure pour vous y plonger (deux pour les plus lents) (il y a dans cette phrase un jeu de mots des plus douteux, je vous laisse le soin de l'identifier une fois que vous aurez lu le livre en question).
Le sujet n'est pas nouveau, on l'a vu traité de plus en plus fréquemment depuis cinquante ans, avec une recrudescence au cours des dernières années, comme le montrent le succès de romans et de films comme La couleur des sentiments ou Twelve years a slave.
Le roman de Judith Perrignon ne se focalise pas sur la période de l'esclavage, elle interroge l'après, elle interroge les séquelles actuelles de l'Histoire, cinquante ans après le mouvement des droits civiques, dans un monde où on pourrait penser que les faits sont anciens, qu'ils n'ont plus qu'une résonance mineure dans la société d'aujourd'hui.
L'écriture est incisive, elle sert efficacement le récit sans verser dans un lyrisme ou une emphase qui rendraient l'ensemble mélodramatique et lui feraient perdre de sa puissance.
Ce que j'ai aimé, c'est la façon dont le contexte est posé, à travers les regards croisés de chaque personnage, chacun en proie à ses propres démons, Mary Lee qui porte le poids de l'Histoire, Déborah victime des premières affres de l'adolescence, Marcus révolté, Dana fatiguée... Le drame qu'ils partagent est digne d'un fait divers, une ligne factuelle dans un journal local, mais il recèle tellement plus, il incarne à lui seul les traces laissées par des décennies d'esclavagisme et l'empreinte oubliée dans les mœurs, par la ségrégation raciale, par la force de ce qui a été intériorisé et qui, avec le temps, a été recouvert par les non-dits.
Il est d'une banalité confondante.
Et il est plus bouleversant que tout ce que j'ai lu depuis des mois.
Les faibles et les forts, Judith Perrignon
L'auteur de l'article : Sara
Voir l'article originalBlogueuse enthousiaste, souvent enflammée, toujours curieuse, parfois guimauve, parfois de mauvaise foi, je n'hésite pas à jouer de digressions et d'humour dans mes chroniques...décalées.