Alexandre Seurat – La Maladroite ****

la maladroite

Éditeur : Le Rouergue – Date de parution : août 2015 – 121 pages

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Diana, 8 ans, a disparu. « Quand j’ai vu l’avis de recherche, j’ai su qu’il était trop tard. » Le roman commence comme ça. C’est son institutrice qui prend la parole en premier. Et le roman se met à dérouler sa bobine à travers ces voix, ces personnes qui prennent la parole à tour de rôle, qui se répondent et se font écho pour raconter la genèse de cette disparition.

Diana commence mal dans la vie : sa mère ne voulant pas d’elle à la naissance, elle se fait accoucher sous X et annonce à tout le monde que sa fille est mort-née. Un mois plus tard, devenant insomniaque et à moitié folle, elle retourne la chercher. Soupçonnant une violence et des mauvais traitements, la grand-mère et la tante s’inquiètent pour cette enfant, dont le prénom rappelle « une princesse brûlée vive ». Mais elles ne pourront rien pour elle, car bientôt la mère retrouve le père de l’enfant et ils déménagent, hors de portée…

Cette forme singulière de la narration introduit du tranchant, et une certaine tension s’installe et grimpe peu à peu, à travers une écriture ciselée. Le nombre de personnes croisant cette enfant qui ne ressemble pas aux autres, avec son petit visage gonflé, ses grands yeux innocent et son curieux sourire, ne cesse d’augmenter et pourtant personne ne semble pouvoir faire quelque chose ; tout le monde semble impuissant et ressent l’urgence d’agir.

Dans ce roman choral, on sent l’horreur qui se dévoile au fil des témoignages et ça fait vraiment froid dans le dos. Et l’écriture, très orale, toute en phrases courtes, brèves, sublime la douleur muette de cette enfant.

Dans les dernières pages, j’ai eu les larmes aux yeux. On a le cœur battant, les mains moites, jusqu’à la fin et cette question qui se pose. Sans réponse.

Un roman très abouti dont on ne sort pas indemne ; j’ai rarement lu un tel roman. On est secoués. Mais c’est un livre nécessaire. À lire absolument.

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« Je voudrais me rappeler Diana, mieux que je ne peux en vrai. Je voudrais me rappeler tout ce que Diana et moi nous n’avons jamais fait ensemble, comme si nous l’avions fait. Parfois j’écoute des musiques de notre enfance, et je voudrais que la musique me la rappelle, mais la musique ne me rappelle rien, parce que nous n’étions pas ensemble, nous n’avons pas vécu la même enfance. »

Livre lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire!

3/6

challenge rentrée littéraire