« Le musée de l’inhumanité »
GASS William H.
(Le Cherche Midi)
Le Lecteur devrait longuement disserter sur ce fantastique roman, mais il laisse ce soin aux exégètes, aux professionnels de la critique. Il se contente d’exprimer ici sa fascination pour l’œuvre exceptionnelle d’un écrivain qu’il n’avait jusqu’alors jamais fréquenté, dont il ignorait l’existence.
Le Lecteur fut donc subjugué. Par le récit et ses multiples connotations historiques mais surtout philosophiques et poétiques. L’histoire d’une famille autrichienne que le père décide, avant le déclanchement de la Seconde guerre mondiale, de faire passer pour juive, ce qui lui permet d’obtenir l’asile en Grande-Bretagne. Là où elle va subir les bombardements, les nuits de terreur, les privations, l’insécurité permanente. Puis l’usurpation de leur identité est démasquée. La famille tente alors de s’intégrer à la société anglaise. Jusqu’à ce que Rudi, le père, disparaisse sans laisser de trace, au lendemain d’un gain conséquent sur des paris hippiques. La mère et ses deux enfants vont alors émigrer aux Etats-Unis. Joey (puis Joseph), le fils, raconte le cheminement des trois personnages dans un coin reculé de l’Ohio. Une mère pleine de nostalgie. Une sœur séduisante et active, vite intégrée. Et lui, timide, réservé, discret, qui a choisi de devenir professeur de musique et qui tente en permanence de comprendre où va l’humanité à travers de courtes déclinaisons autour d’un même thème (« A notre crainte que la race humaine ne perdure pas a succédé notre peur qu’elle survive »).
Ce roman ne cesse de surprendre, d’étonner, d’interroger aussi. Il renvoie un reflet de notre inhumaine humanité. Il nous entraîne parmi les arcanes de nos comportements, jusques aux plus aberrants. Il ouvre des pistes sans jamais décréter laquelle emprunter. Symphonie contemporaine, sa musique singulière s’écoute dans chacune de ses nuances. Le Lecteur en fut subjugué.