Les articles " Si vous avez aimé... " vous proposent des titres dans le genre de celui que vous venez de quitter à regrets. Aujourd'hui, je parle bien entendu de l'une de mes plus belles découvertes de l'année : La Passe-miroir, pour offrir à vos petits yeux perçants, méfiants et exigeants, d'autres livres à dévorer.
La Passe-miroir, c'est une plongée dans un univers d'un imaginaire, d'une drôlerie, d'une finesse, et d'une langue de grande qualité.C'est l'histoire d'Ophélie, jeune fille (de 15 ans) qui vit sur l'arche d'Anima, une sorte de ville-flottante où tous les objets sont animés de personnalité. Ophélie, la discrète de sa grande fratrie colorée, est arrachée au monde qu'elle connaît lorsqu'on la fiance sans trop la consulter à Thorn, venu du Pôle, une autre ville flottante. La voilà aussitôt propulsée dans un monde inconnu où tout n'est qu'apparence : en effet, le pouvoir le plus courant sur le Pôle est celui de créer des illusions...
Bien vite, elle fait face à l'animosité de la cour à son égard, et interroge les véritables ambitions de son (froid) fiancé. Pourquoi serait-il allé pêcher une petite animiste myope et timide sur une arche lointaine, s'il n'ourdissait pas un plan moyennement recommandable ?
La Passe-miroir bouillonne de fantaisie. Si ce roman vous a plu et que vous en voulez davantage, bon, d'abord, courez lire le tome 2 qui vient de sortir, mais ensuite, allez donc lire...
Comme Ophélie, Sophie est une jeune fille (17 ans) issue d'une famille encombrante et mouvementée, qui va se voir arrachée à son monde (un magasin de chapeaux) par la force des choses. Victime d'un mauvais sort, elle décide de trouver de l'aide auprès du terrifiant Magicien d'Hurle dont on dit qu'il mangerait les cœurs des jeunes filles. Hurle vit dans un château ambulant dont Sophie découvrira les secrets, comme Calcifer, un démon du feu qui a signé un bien étrange contrat avec Hurle...
C'est un monde résolument magique, proche des contes de fées, dont on retrouvera plusieurs ingrédients : princes, magie, sorcière, malédiction.... ! Avec une écriture superbe et un humour savoureux, Diana Wynne Jones nous offre un grand roman de fantasy, bien trop court si vous voulez mon avis.
Avertissement : essayez plutôt de dénicher cette pépite dans votre bibliothèque municipale. Le livre est malheureusement épuisé et introuvable en-dessous de 30 euros.
(Le château de Hurle, de Diana Wynne Jones, chez Pocket Jeunesse, 2005, 406 pages)Ce livre a bien évidemment connu une adaptation cinématographique, que vous avez peut-être vue : Le château ambulant, de Hayao Miyazaki (2004).
C'est l'histoire de Lyra, fillette hyperactive (elle a 12 ans au début, environ 14-15 à la fin de la trilogie) ayant grandi parmi les ronflants érudits d'Oxford. Quand l'aventure se présente à sa porte sous la forme d'une mystérieuse Poussière qu'aurait découverte son oncle Lord Boréal, explorateur fascinant (qu'elle sauve in extremis d'un empoisonnement par ses ennemis), Lyra bondit sur l'occasion. Bien vite cependant, les choses deviennent plus effrayantes qu'excitantes car, en partant à la recherche de la Poussière, elle se retrouve au cœur d'une quête plus grande qu'elle. Il lui faudra affronter des scientifiques fous, une boussole qui dit la vérité, des gitans à la recherche d'enfants disparus, de sorcières superstitieuses et peut-être même... Dieu.
Cette série est incroyable en ce qu'elle nous fait voyager dans un monde imaginaire merveilleux, mais nous pousse à regarder le nôtre autrement (notamment ses croyances et légendes, ce qui est aussi une qualité de La Passe-miroir).
(À la croisée des mondes 1. Les royaumes du nord, chez Gallimard Jeunesse, 1998-2001, 282 pages)Pour la même tranche d'âge, je vous propose un roman d'aventure à cheval sur le XIXe et le XXIe siècles, bourré d'humour, porté par la plume d'un auteur que vous connaissez probablement pour son mémorable Artemis Fowl.
C'est l'histoire de Riley, un orphelin du XIXe, apprenti illusionniste, arnaqueur et assassin, tout cela sous la houlette de l'épouvantable Albert Garrick, son cruel maître. Par des circonstances que je n'explique pas ici, Riley se retrouve projeté à notre époque (où il dénote légèrement !) et fait la rencontre opportune de la jeune agente du FBI Chevie Savano, avec qui il va tenter d'échapper à Garrick, lancé sur leurs traces - tout en s'efforçant de l'empêcher de mettre la main sur les clés du programme W.A.R.P. pour changer le cours de l'Histoire.
Warp est mené tambour battant avec un humour décapant (j'ai l'impression d'être une réclame pour un film des années 80, à écrire ça), et les univers des époques respectives sont efficacement retranscrits. La trilogie s'essouffle sur le dernier tome qui joue la surenchère, mais reste néanmoins une très bonne lecture.
(Warp 1. L'Assassin malgré lui, d'Eoin Colfer, chez Gallimard Jeunesse, 2014, 400 pages)Les deux romans suivants me sont spontanément venus à l'esprit à la rédaction de cette liste, mais je vais simplement vous les citer, plutôt que de vous les détailler car, à y réfléchir, leur proximité avec La Passe-miroir est assez limitée, et davantage due à mon ressenti personnel. Ce sont des romans d'aventure dans un monde fantastique, dont la puissance tient à leur souffle, à une sorte d'humanité qui transcende l'histoire. Alors que, pour moi, dans La Passe-miroir, l'imaginaire est vraiment au premier plan. Je vous y renvoie néanmoins :
- Tant que nous sommes vivants, d'Anne-Laure Bondoux (2014) (one-shot)
- Le combat d'hiver, de Jean-Claude Mourlevat (2006) (one-shot)
Beaucoup d'éléments des Ferrailleurs vous rappelleront La Passe-miroir ! Le héros, Clod, 16 ans, est issue d'une dynastie londonienne extravagante qui se voit attribuer un Objet à sa naissance. Il vit dans un château délirant flottant sur un océan de détritus, comme un radeau perché au sommet d'une vague. Il a, en outre, la particularité d' entendre les objets ... Son don se révélera peut-être utile car, stupeur, l'Objet de naissance de sa tante Rosamund a disparu ! (Même les noms des personnages nous rappellent l'univers de Christelle Dabos !) En attendant, cela lui permettra surtout de repousser sa cérémonie de mariage avec une cousine quelconque...
Rien à dire à part : si vous avez aimé La Passe-miroir, courez découvrir cette perle.
(Les Ferrailleurs 1. Le château, d'Edward Carey, chez Grasset, 2015, 464 pages.)Paris, 1909. Le monde que nous connaissons et le monde fantastique ont fusionné. Le mage Griffont est bien occupé : entre deux affaires de magie, il sillonne le métro pour se rendre dans l'Outre-Monde (gouverné par des fées), discute avec son ami l'arbre enchanté, prend des nouvelles de ses connaissances gnomes, construit une moto dans sa cour, ou doit gérer son chat-ailé-parlant qui lit son courrier. Mais son petit train-train quotidien est bientôt menacé par une sombre enquête de vols d'objets enchantés, qui cache en réalité des dessous bien plus dangereux. Heureusement - ou malheureusement ? - pour lui la belle et mystérieuse Isabel de Saint-Gile et ses fidèles acolytes vont l'aider à résoudre ce mystère...
Un petit délice de lecture si vous appréciez les jeux de mots et l'humour distingué. C'est sans aucune difficulté que nous sommes plongés dans ce monde merveilleux - pourtant pas si éloigné du nôtre.
(Le Paris des Merveilles, de Pierre Pevel, (Le Pré aux Clercs, 2004), réédité chez Bragelonne, 2015, 384 pages)Une fois n'est pas coutume, je m'en vais vous recommander un livre que je n'ai pas lu (!) mais dont l'esthétique me semble proche de celle de Christelle Dabos :
C'est l'histoire de Séraphin, petit boy curieux, fils de la scientifique disparue Marie Dulac, partie en ballon, pour enquêter sur les mystères de l'Éther.
L'éther, c'est la matière dont on croyait composé l'espace, au XIXe. Un jour, Séraphin et son père reçoivent une lettre mystérieuse qui les lance sur les traces de la disparue.
Je ne sais pas ce que cette série vaut niveau scénario, mais le travail d'édition est assez ouf : les aventures de Séraphin sont d'abord parues sous forme de fascicules dans des grands journaux en couleur (format Le Monde) avant d'être publiés en intégrale dans un format BD plus classique. Les dessins et la conception de l'univers sont magnifiques. On évolue à fond dans le Steampunk : avis aux amateurs.
(Le château des étoiles. Intégrale 1, d'Alex Alice, chez Rue de Sèvres, 2014, 64 pages)Époque victorienne. Célia est la fille d'Hector Bowen, illustre illusionniste et champion de la manipulation. Persuadé qu'elle a un talent inné, celui-ci lance à un vieil ami un défi qui se déroulera sur de nombreuses années : chacun devra former un élève à la magie, et que le meilleur gagne !
C'est une histoire de pacte magique, d'illusion et de talismans, mais c'est aussi une histoire d'amour. On suit Célia et son concurrent, Marco, de leur plus jeune âge jusqu'à la toute fin, en passant par leurs diverses rencontres. On s'attache aussi à toute la galerie de curieux personnages qui gravitent autour d'eux.
Un roman enchanteur et onirique, pour les lecteurs chevronnés, non pas parce qu'il est complexe ou difficile à lire, mais parce qu'il est assez dense et lancinant, et fait des bonds dans les époques.
(Le Cirque des Rêves, d'Erin Morgenstern, Flammarion, 2012, 500 pages)Et enfin, même si ce n'est pas tès orthodoxe, je vous recommande... un film !
De nombreux lecteurs de La Passe-miroir (dont moi, coucou) se sont demandé " Mais quel est cet univers étrange et merveilleux qu'il me semble avoir déjà croisé... " et ont eu, au fil de la lecture, un nom sur le bout de la langue : Miyazaki. Si l'on pose la question à Christelle Dabos, elle hoche la tête vigoureusement, oui, les imaginaires de J. K. Rowling et de Miyazaki ont généreusement nourri le sien.
Le château dans le ciel est sans doute le dessin-animé le plus facile à rapprocher de La Passe-miroir et, pour ne rien gâcher, c'est l'un de mes préférés. Il est beau, drôle, étonnant, inspiré, parfois violent... en un mot : magique.
Cette liste vous est aimablement offerte par Lupiot, Bloup, et Bunny.
Parce qu'on comprend qu'après La Passe-miroir, c'est dur de trouver chaussure à son pied.
En espérant qu'elle vous aura inspiré !
Bonne lecture,
* Il me semble avoir déjà utilisé ce terme, mais je n'en suis plus si sûre. One-shot : une histoire complète, indépendante (en l'occurrence : en un seul volume). Cela peut aussi se dire d'un film, d'un épisode de série, d'une bande-dessinée, etc. Par opposition à la forme " série " ou feuilleton.