Paru en 1956, Chasse à l’homme, un très court roman, vient d’être réédité.
Un jeune militant révolutionnaire, pourchassé par ses amis qu'il a trahis, s'est réfugié dans la salle d’un théâtre de La Havane quand retentissent les premières notes de la Symphonie héroïque de Beethoven. Durant les quarante-six minutes – temps d’exécution conventionnel de cette œuvre – l’homme pourchassé, travaillé par sa conscience, va se remémorer les évènements qui l’ont amené jusqu’ici et fin de son chemin.
Autant vous dire tout de suite que ce roman s’adresse à un public exigeant. S’il s’agit d’un exercice littéraire certain, le plaisir de lecture sera moins évident pour tous. Les phrases sont souvent longues, l’écriture est travaillée et les mots sont choisis avec soin. Quant à la construction, elle est particulièrement chiadée, au point qu’il m’a fallu lire la moitié du roman avant de commencer à en comprendre le sens. Jusque là, j’étais comme une poule ayant trouvé un couteau, incapable de savoir de quoi il en retournait. Le genre de bouquin qui se mérite, en somme.
Certains blogs et l’éditeur lui-même ont tendance à se prendre les pieds dans le tapis quant à la période de dictature décrite par Alejo Carpentier. Sur la quatrième de couverture du bouquin, c’est le président Gerardo Machado (de 1925 à 1933) qui est cité, conformément à la préface de 1958 rajoutée par l’auteur, donc fiable. Par contre, sur le court feuillet d’accompagnement joint pour les heureux élus comme moi, ayant reçu le livre de l’éditeur, il est fait mention de Batista (de 1933 à 1944)… Ce qui n’a, en fait, qu’une importance toute relative, le roman ayant une portée plus générale que factuelle, dénonçant les revirements, voire les reniements des révolutionnaires et ce qui en découle.
« Mais après le nécessaire, le juste, l’héroïque ; après les temps du Tribunal, ce furent les temps du butin. Libérés des représailles, les mécontents se mirent à exploiter le risque, par équipes, par bandes armées, qui trafiquaient de la violence, proposaient des tâches en échange d’une récompense, pour déchaîner à nouveau les furies à la lumière du soleil, au profit de Tel ou Tel. La police elle-même fuyait ces hommes redoutables, à la solde de puissants protecteurs, pour qui les murs des prisons avaient toujours des brèches. »
Traduit de l’espagnol (Cuba) par René L.-F. Durand