Quatrième roman de l’auteur, La forêt de cristal (1967), dernière des quatre apocalypses, après Le vent de nulle part (1962), Le monde englouti (1962) et Sécheresse (1965), vient d’être réédité.
« Afin de retrouver son collègue, Max Clair, et la femme de ce dernier, Suzanne, qui fut sa maîtresse, le Dr Edward Sanders, directeur adjoint d'une léproserie, se rend à Mont Royal, au Cameroun. A peine arrivé, il constate que la forêt qui borde la ville est entourée d’une aura de mystère. En outre, d’étranges objets de cristal sont vendus discrètement sur la place du marché. Quel est le lien entre ces bibelots, la forêt et la sombre lumière qui en émane ? »
Que retenir de ce roman qui m’a un peu déçu je dois l’avouer car j’avais de meilleurs souvenirs flous de J.G. Ballard. Souvenirs flous, conséquence de mon désintérêt pour la SF depuis la fin des années soixante-dix (constatant que la réalité égalait ou dépassait la fiction), époque où je me régalais des meilleurs jamais surpassés, de A.E. Van Vogt à Philip K. Dick (qui reste le maître de ce château) pour ne citer qu’eux.
Le roman commence très bien, le mystère s’épaississant de plus en plus à chaque page, à suivre le Dr Sanders s’approchant d’une zone qu’on devine sujette à une sorte de menace non identifiée. Les acteurs entrent en scène sans que l’on comprenne très bien les motivations des uns et des autres, sachant néanmoins qu’ils ont des points en commun et que des échos renvoient l’un vers l’autre, Sanders a été l’amant de Suzanne, femme de son ami Max ; l’énigmatique architecte, Ventresse, recherche Serena qui est avec Thorenson, un propriétaire minier local ; Louise Perret, une journaliste venue enquêter sur les lieux tombe dans les bras de Sanders ; le capitaine Aragon mène sa barque en silence sur le fleuve et le père Balthus fiche un peu la trouille dans sa soutane…
C’est plutôt bien écrit, il n’y a pas de créatures étranges ou de catastrophes bruyantes, au contraire Ballard joue plus sur la menace diffuse et silencieuse, pour ainsi dire naturelle, une cristallisation de la forêt qui touche la flore et la faune, gagnant chaque jour du terrain. J’avoue que je n’ai rien compris à l’explication « scientifique » avancée mais je me rassure en constatant que je ne suis pas le seul, « J’ai peur que Max ne comprenne pas ce qui arrive dans la forêt – je veux dire au sens large – à toutes nos idées concernant le temps et la mortalité. »
Je pensais trouver dans ce roman, une sorte de fable écologique, en fait – mais peut-être suis-je passé à côté ? – je n’en retiens que des sensations, une sorte de froideur générale, compréhensible puisque la minéralité est au cœur du roman, et des images mentales de jungle cristallisée comme une cathédrale de lumière pixellisée. Et cette beauté, pourtant mortelle, qui attire en son sein les humains, réunis « dans l’ultime mariage de l’espace et du temps. »
Bon, ben voilà, maintenant c’est vous qui voyez…
« Ce fut le bras droit de l’homme qui attira le plus l’attention du médecin et celle du reste des curieux. Du coude jusqu’au bout des doigts, le membre était gainé par – ou plutôt avait effleuri en – une masse de cristaux translucides, à travers lesquels apparaissaient en une douzaine de reflets multicolores les contours prismatiques de la main et des doigts. Tandis que ce colossal gantelet d’orfèvrerie, pareil à l’armure de parade d’un conquistador espagnol, séchait au soleil, ses cristaux commençaient à émettre une vive lumière crue. »
Traduit de l’anglais par Michel Pagel