(et si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être…)
Dis-moi, elle ressemble à quoi la vie vue de tes yeux à toi ? Toi qui n’en finis pas de bondir, de sortir les griffes pour de faux et de ronronner comme si de rien n’était. Toi qui n’en finis pas de t’amuser de tous ces petits riens que les grands cons dans mon genre ne savent plus voir. Toi qui n’en finis pas de te frotter aux gambettes de la vie malgré les coups qu’elle t’a déjà donnés. Dis-moi, elle ressemble à quoi la vie vue de tes yeux de tout petit chaton ? Est-ce qu’elle fait mal parfois quand tu loupes ta dernière pirouette, dis-moi comment fais-tu pour toujours retomber sur tes pattes ? Est-ce que tu t’y sens à l’étroit souvent ? Dis-moi comment fais-tu pour ne pas me détester d’amocher ta liberté? Celle à laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux. Ceux qui se drapent de larmes à mesure que la bêtise humaine l’effrite.
Dis-moi, il ressemble à quoi le monde pour que derrière la fenêtre tu crèves d’envie d’aller coller ton museau dedans ? Dis-moi, est-ce que ton soleil brille fort ? Dis-le-moi, je t’en prie. Mes yeux à moi, depuis vendredi, ne distinguent plus rien qu’une interminable nuit qui n’en finit pas de tomber. Dis-moi, tu dois me trouver bien bête à laisser le temps filer en chialant sur le canapé, hein ? Toi qui la prendrais bien ma place, pour aller farfouiller dans les moindres recoins du monde, et sûrement que tu les y dénicherais ces foutus fragments d’humanité ; pour aller jouer avec le brouillard et sans aucun doute que tu le dissiperais en même temps que la haine et la peur, et peut-être aussi que t’arriverais à le faire voir aux yeux qui n’y arrivent plus : ton soleil qui brille fort.
Dis-moi, y a-t-il quelque chose de mal à préférer être bête parfois, si le genre humain ça ressemble à ça ? Et toi qui regardes par la fenêtre et que je ne parviens plus à lâcher des yeux depuis, je t’assure que si je le pouvais je te la cèderais volontiers, ma foutue place que je ne sais plus occuper qu’à moitié. Alors, je te regarderais baisser la poignée de la porte d’entrée, la claquer entre mon museau et tes pieds. Alors, je miaulerais à la mort, à la vie, à t’en fendre le cœur, si ton cœur n’était pas déjà pris par ce parfum de liberté dont la cruelle humaine que j’étais se pensait en droit de te priver. Alors, je t’en voudrais un peu pour la forme, et puis je retournerais vaquer à mes occupations. Et je n’en finirais pas de bondir, de sortir les griffes pour de faux et de ronronner comme si de rien n’était. Et je n’en finirais pas de m’amuser de tous ces petits riens que les grands cons dans ton genre ne savent plus voir. Et je n’en finirais pas de me frotter aux gambettes de la vie malgré les coups qu’elle m’a donnés. Et, le museau collé à la fenêtre de ce monde en morceaux, je ne distinguerais qu’un soleil qui n’en finit pas de briller. Et de mes yeux de tout petit chaton, le conditionnel, je le mets en bouteille.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle. Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis, au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/