Timur Vermes, né en 1967 à Nuremberg, est un écrivain allemand d'origine hongroise par son père. Après des études d’histoire et de sciences politiques, il devient journaliste et contribue à de nombreux journaux et magazines. Ancien nègre littéraire, son premier roman, Il est de retour, est paru en 2014.
Dans le Berlin de nos jours, un homme se réveille dans un terrain vague, Adolph Hitler que l’on croyait mort depuis 1945 est de retour ! Voici le pitch sur lequel Timur Vermes a construit son premier roman, une idée originale et provocante à la fois. A priori.
Hitler, le narrateur, ne s’explique pas sa « résurrection » et l’écrivain, à juste titre ne s’y attarde pas non plus. D’emblée le parti pris humoristique de Timur Vermes s’impose ; le ton de la narration et les étonnements successifs du fraichement débarqué face au monde qui a bien changé, amusent le lecteur. La télévision, internet etc. tout est découverte pour le fameux moustachu. Puis les sourires virent au rire jaune quand l’humour noir entre en scène, « La création d’un Etat d’Israël avait visiblement provoqué un appel d’air. On avait eu la bonne idée de placer cet Etat en plein milieu de peuplades arabes, si bien que toutes les parties étaient occupées à se battre les unes contre les autres depuis des décennies et des décennies. » Mais où l’humour est plus subtile, c’est dans les multiples recours au quiproquo : Hitler parle au premier degré tandis que ses interlocuteurs y entendent du second degré, « Et aujourd’hui, vous faites des plaisanteries sur ce sujet à la télévision… - Voilà qui est nouveau, dis-je sur un ton grave. Les juifs ne sont pas un sujet de plaisanterie. » Là, le lecteur rit moins, instruit par l’Histoire passée.
Hitler se baladant dans Berlin ne pouvait passer inaperçu, repéré par une chaîne de télévision et considéré comme un comique de haut niveau, « jouant » son personnage vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il fait un tabac à l’audimat avant d’investir le royaume de YouTube. L’écrivain en profite pour fustiger les médias, de l’audiovisuel à la presse du Bild Zeitung. Les uns propulsant un soi-disant comique vers la starisation, l’autre reconstruisant sa popularité passée en vue de continuer son combat d’hier en utilisant cette tribune. Le plus agaçant pour le lecteur – mais c’est aussi le ressort principal et voulu du bouquin – c’est que cet Hitler n’est pas aussi antipathique qu’on le voudrait, comparé aux crétins qui le montent en épingle.
Globalement le roman est souriant et intéressant mais il souffre aussi de longueurs parfois, d’un manque de punch dans l’écriture et surtout de profondeur dans la dénonciation du système. On comprend bien le propos de l’écrivain, nous mettre en garde contre le possible retour de leaders extrémistes qui n’utiliseraient que les outils modernes de communication pour parvenir à leurs fins, mais tout cela reste bien gentillet. Enfin, c’est mieux que rien.
PS : Je vais faire le boulot de l’éditeur, puisqu’il ne l’a pas fait. Information importante pour les lecteurs amateurs, qui n’ont pas comme moi, l’habitude d’éplucher de fond en comble un bouquin avant de le lire, en fin d’ouvrage il y a un glossaire bien venu pour éclairer des points d’Histoire oubliée ou méconnue ; or ce glossaire n’est indiqué nulle part et aucun astérisque ou autre moyen dans le texte n’y renvoie.
« C’était peut-être une erreur ? Déclarai-je. Je veux dire : ces gens ne ressemblent pas du tout à des… - C’est quoi cet argument ? demanda Melle Krömeier d’un ton froid. Et s’ils ont été tués par erreur, ça veut dire que ce n’est pas grave ? Un type s’est dit un jour qu’il fallait tuer les juifs, la voilà l’erreur ! Et les gitans ! Et les homosexuels ! Et tous ceux qui ne lui convenaient pas. Je vais vous dire une chose assez simple : si on ne tue pas, on ne risque pas de se tromper de personnes ! C’est simple comme bonjour ! »
Timur Vermes Il est de retour Belfond – 393 pages –
Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses