Elle est enfin arrivée. La série que nous avons le plus apprécié ces dix dernières années. le petit chef d'oeuvre de Jeff Lemire, publié sur le label Vertigo, et chez Urban Comics en français. Ce bijou indispensable s'intitule Sweet Tooth. Cette expression désigne les enfants gourmands, qui aiment un peu trop les sucreries. Elle se déroule dans un monde post apocalyptique, alors qu'une partie importante de la planète semble avoir été décimée par un virus inconnu. Peu de temps auparavant, d'étranges créatures sont apparues : des enfants nés avec des caractéristiques génétiques très particulières, en faisant des êtres mi humains mi animaux. comme le petit protagoniste du récit, Gus, qui ressemble aussi bien à un cerf qu'à un garçonnet. Ces hybrides sont pourchassés, et Gus grandit à l'ombre de ce qui reste de la civilisation, dans les bois, avec son père malade. Après la mort de ce dernier, il faudra que le gamin explore le monde extérieur, se heurte à la cruauté et à l'absurdité de ce qu'il en reste, quitte à devoir digérer de bien horribles désillusions au passage. Gus a des souvenirs très fragmentaires de sa mère, et de moments particuliers de son enfance, qui pourraient être la clé et l'explication de toute la catastrophe qui a suivi. Seul, il ne pourrait survivre très longtemps, alors la rencontre de Jepperd -une sorte de survivaliste bourru et débrouillard, une figure paternelle mal dégrossie et touchante, qui rassure par sa masse physique et sa capacité à prendre des décisions, mais inquiète par ses secrets et son passé- est capitale pour aller de l'avant. On retrouve dans ce premier tome des thèmes et des idées qui ne sont pas si éloignés que cela de la longue saga de The Walking Dead, par exemple. Si le monde est partie en sucette et que seuls les plus forts et les plus cyniques paraissent en mesure de survivre, est-il plausible qu'il existe encore quelque part un refuge pour les enfants hybrides pourchassés, et que dans cet enfer existentiel se dégage une parenthèse de sérénité et d'espoir? Ou bien tout simplement la trahison et la désillusion sont-elles naturelles, lorsque l'être humain est poussé dans ses derniers retranchements? Lemire semble suivre le chemin tracé par Kirkman, mais il fait un pas de coté évident dans la manière de présenter la foi en ce que l'humanité à de meilleur. Sweet Tooth est un road-trip angoissant, mais pas nihiliste.
Dans Sweet Tooth, nous trouvons des thèmes forts et pas toujours commodes à aborder, comme l'exploitation et les abus sur mineurs, qui reviennent régulièrement à travers la figure du jeune protagoniste, et ses amis "freaks" qu'il parvient en cours de voyage à rencontrer. Une petite communauté aussi étrange que sympathique, dont les vicissitudes arracheront une larme aux plus endurcis d'entre vous. Lemire puise à pleines mains dans les métaphores et utilise l'excuse de la science-fiction catastrophiste pour porter un regard aussi sévère sur le genre humain que non dénué d'amour et de compassion pour ceux qui se contentent de la marge, et n'ont pas perdu de vue le sens des vraies valeurs qui devraient habiter en chacun de nous. L'auteur est maître dans la manière de juxtaposer des scènes d'action ou le suspens et l'anxiété pour le destin des personnages nous fait oublier le reste, et de longs moments d'introspection, où les motivations, les peines et les failles de chacun sont révélées au grand jour. personne n'y échappe, et elles deviennent d'ailleurs le moteur, et les armes, pour poursuivre la route qui mène au salut. Reste le dessin, toujours de Jeff Lemire. Là, il est évident que ça ne peut passer pour tout le monde. Car son trait est résolument underground, disgracieux selon les codes en vigueur dans la majorité des comics, et si nous avons à de nombreuses reprises de véritables leçons d'expressivité tout au long de Sweet Tooth, un oeil non averti et rétif risque vite de se lasser et d'abandonner la lecture. Une erreur inqualifiable car au delà du style si particulier de l'artiste, Sweet Tooth apparaît déjà comme une oeuvre majeure de ce début de siècle, un conte cruel et désenchanté pour adultes, en réalité destiné à tous les publics. Une sorte de Pixar dévoyé qui ose plonger dans les tréfonds de notre société, et qui attend son extrême conclusion pour dévoiler un message positif. Et tant pis si le dessin vous répugne ; regardez les yeux de Gus, la dure froideur de Jepperd, les émotions qui affleurent sur tous les visages... et ne faîtes pas l'erreur de voir là la laideur, quand sous vos yeux s'étale en fait un chef d'oeuvre.
A lire aussi : Notre dossier consacré à Jeff Lemire en 2012
Dans Sweet Tooth, nous trouvons des thèmes forts et pas toujours commodes à aborder, comme l'exploitation et les abus sur mineurs, qui reviennent régulièrement à travers la figure du jeune protagoniste, et ses amis "freaks" qu'il parvient en cours de voyage à rencontrer. Une petite communauté aussi étrange que sympathique, dont les vicissitudes arracheront une larme aux plus endurcis d'entre vous. Lemire puise à pleines mains dans les métaphores et utilise l'excuse de la science-fiction catastrophiste pour porter un regard aussi sévère sur le genre humain que non dénué d'amour et de compassion pour ceux qui se contentent de la marge, et n'ont pas perdu de vue le sens des vraies valeurs qui devraient habiter en chacun de nous. L'auteur est maître dans la manière de juxtaposer des scènes d'action ou le suspens et l'anxiété pour le destin des personnages nous fait oublier le reste, et de longs moments d'introspection, où les motivations, les peines et les failles de chacun sont révélées au grand jour. personne n'y échappe, et elles deviennent d'ailleurs le moteur, et les armes, pour poursuivre la route qui mène au salut. Reste le dessin, toujours de Jeff Lemire. Là, il est évident que ça ne peut passer pour tout le monde. Car son trait est résolument underground, disgracieux selon les codes en vigueur dans la majorité des comics, et si nous avons à de nombreuses reprises de véritables leçons d'expressivité tout au long de Sweet Tooth, un oeil non averti et rétif risque vite de se lasser et d'abandonner la lecture. Une erreur inqualifiable car au delà du style si particulier de l'artiste, Sweet Tooth apparaît déjà comme une oeuvre majeure de ce début de siècle, un conte cruel et désenchanté pour adultes, en réalité destiné à tous les publics. Une sorte de Pixar dévoyé qui ose plonger dans les tréfonds de notre société, et qui attend son extrême conclusion pour dévoiler un message positif. Et tant pis si le dessin vous répugne ; regardez les yeux de Gus, la dure froideur de Jepperd, les émotions qui affleurent sur tous les visages... et ne faîtes pas l'erreur de voir là la laideur, quand sous vos yeux s'étale en fait un chef d'oeuvre.
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