Jean Joubert

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Cher Jean Joubert !

L’annonce de votre décès m’est parvenue par des voies détournées.

Ne m’en tenez pas rigueur : je me tiens éloigné du petit monde si mesquin dont la mission n’est plus d’informer mais de convaincre.

Je tenais à vous exprimer ma gratitude.

Voilà deux ans de cela, nous avions entamé un dialogue au lendemain de la parution de la monumentale biographie d’Aragon concoctée par Pierre Juquin.

J’avais alors pris contact avec vous.

Vous m’aviez écouté.

Vous pensiez tout comme moi que la présentation du travail de Pierre Juquin à Montpellier relevait de la nécessité.

D’autres estimèrent que l’œuvre d’Aragon tout autant que son cheminement politique se situaient hors du temps présent.

Pierre Juquin ne fut donc pas convié à Montpellier.

Nous l’avons regretté, vous et moi.

Mais cette sorte d’acte manqué nous autorisa tout de même des échanges fructueux.

Par téléphone, puisque vous m’aviez précisé que vous ne vous veniez que très rarement jusqu’à la capitale régionale.

Nous nous retrouvâmes tout de même, un soir de début d’été, à la salle Pétrarque, dans le cadre de je ne sais plus trop quelle initiative « institutionnelle ».

Nous parlâmes une fois encore d’Aragon, mais aussi d’Eluard.

Nous ne parlâmes que très peu de vous.

Alors que vous étiez pour moi non pas un inconnu, mais un poète et un romancier que j’avais très peu fréquenté.

J’avais lu à ma fille, au début des années quatre-vingt, un ou deux de vos ouvrages pour enfants qui furent publiés par « L’Ecole des Loisirs ».

Je ne gardais qu’un très vague souvenir de votre roman qui, en 1975, avait obtenu le prix Renaudot, « L’Homme de sable ».

J’ignorais tout de votre poésie, cette poésie vers laquelle je me suis tourné, après nos premiers échanges, grâce à la Médiathèque Emile Zola.

J’eus et j’ai toujours grand bonheur à m’y immerger.

Vos mots, votre écriture sont à la portée de ce que je suis capable de lire et d’entendre en mon temps de vieillesse.

Tant vous me semblez porter un regard lucide et fraternel sur ces humains dont le devenir est si incertain.

Vous voyez : je vous réintroduis dans le présent, au lendemain de votre mort.

Avec le regret de ne pas avoir croisé votre route un peu plus tôt.

Qu’il m’ait fallu attendre Juquin et Aragon pour que se produisent nos trop brefs mais si réconfortants échanges.

Mais je ne sais toujours pas me résoudre à la mort.

Je ne me résous donc pas à la vôtre.

Je poursuivrai avec vous ce dialogue interrompu.

Je vous poserai des questions auxquelles vous ne répondrez évidemment pas.

Mais j’ai la certitude qu’en revenant vers votre œuvre, c’est votre vraie voix qu’il me sera donné d’entendre.

Avec tous vos beaux mots fraternels, généreux, si humains.

Je vous salue, Cher Jean Joubert.