" Par une fin d'après-midi pluvieuse, assise sur une chaise à regarder la pluie couler sur la vitre de sa fenêtre, se sentant loin de tout et de tous et complètement seule et vide, elle se souvint tout à coup de ce vieux fou et de leur amour impossible. Elle se souvint que, dans sa vie, un temps, il y avait eu cette inconcevable rencontre et qu'elle avait cru, elle aussi, que l'impossible était possible, que c'était là la seule chose possible pour pouvoir vivre dans un monde pareil. "
Antonio et Rosa. Le vieux fou et la fille merveilleuse. La belle et le clochard. Elle le ramasse dans la rue, crasseux, infesté de parasites, dormant sur des cartons, se nourrissant dans les poubelles, avec sur le dos des vêtements récupérés dans des conteneurs. Elle le ramène chez elle après avoir prononcé un seul mot : " viens ". Elle le lave, l'épouille, l'habille. Elle lui accorde une place dans son lit. Ils s'aiment. Puis elle le rejette avec une infinie violence. De retour dans la rue, le vieux fou se laisse mourir. Et pourtant, leur histoire ne fait que commencer...
A lire mon résumé comme ça, on dirait du Musso ! Sauf que non. Du tout (et encore heureux). En fait à première vue ce texte, c'est à n'y rien comprendre. Du moins si on reste les pieds sur terre, engoncé dans une vision prosaïque des choses. Mais si on se laisse prendre par la main, emmené dans cet univers hors du temps et de la réalité la plus concrète, si l'on accepte l'aspect invraisemblable de la situation et de ses rebondissements, l'enchantement nous guette.
Moresco est un conteur qui s'autorise toutes les libertés sans perdre de vue le sens de son propos. Sa fable d'amour possède des accents métaphysiques et une construction créative où, comme il le dit lui-même dans la postface, " la cruauté et la douceur, la désolation et l'enchantement, la réalité et le rêve, la vie et la mort ", finissent par se confondre. J'ai adoré la clarté, la limpidité de son écriture. Interrogé par " Le matricule des anges " en septembre dernier, son traducteur Laurent Lombard parle d'une voix " pas complètement enfantine ni adulte ", et je crois que c'est exactement ça.
Qu'il fait du bien ce conte de fées moderne avec un happy end aussi improbable que revigorant ! Allez, je laisse le dernier mot au traducteur : " Dans ce roman [...] s'estompent la réalité et le réalisme, jaillit l'énergie de la fable et de l'impossible, bouillonne le désordre que nous portons en nous. " Pas mieux !
Fable d'amour d'Antonio Moresco. Verdier, 2015. 125 pages. 14,00 euros.
Les avis d' Aifelle, Alex et Mirontaine.