Résumé
Ils sont quatre, comme des millions à scruter leur poste de télévision en ce dimanche 7 mai 2017. Tareq, Stéphane, Fati, sous la houlette de la doyenne Antoinette attendent avec impatience le résultat du deuxième tour de l’élection présidentielle. Du haut de ses quatre-vingt-quatorze ans, Antoinette est profondément meurtrie dans son âme de jeune résistante au joug NAZI, car ce soir là avec 50,41% des voix : Marine Le Pen est élue présidente de la république face à François Hollande. L’abstention est sans précédent, la division de la droite qui a présenté trois candidats après des primaires sanglantes et le bilan du quinquennat Hollande ont ouvert la voix à la candidate du Front Nationale.
Sans doute.
Mais surtout, il est le fruit de la stratégie de dédiabolisation qui a permis à Marine Le Pen et au FN d’être considéré comme un parti politique comme les autres. A partir d’un plan de communication visant à adoucir le propos, en nuançant à peine le discours nationaliste et identitaire et en s’appuyant sur les réseaux sociaux et internet pour collecter des données personnelles afin d’affiner leurs tactiques, les cadres du FN ont réussi à faire oublier les fondements xénophobes et haineux du parti et pire de rendre leurs valeurs politiquement crédible. Les inégalités sociales et les attentats de Janvier (!) 2015 ont fait le reste… Dès son élection les gens descendent dans la rue, et les premiers affrontements éclatent. Pour autant, la démocratie suit son cours et bien que les éditorialistes, les commentateurs et les analystes se déchaînent, la passation de pouvoir se déroule sans gloire.
La résistance s’organise.
Stéphane crée le site resistance.fr et il relaie les mouvements sociaux qui s’opposent à la nouvelle politique de l’état Français. Car bien que le discours se soit aseptisé, polissé pour pouvoir être entendu et utilisé par le citoyen lambda, les premieres mesures ne se font pas attendre : flicage numérique, premières arrestations pour délit d’opinion caché sous l’intitulé d’incitation à la violence, sorti de l’euro par référendum… Si les mots sont plus doux, le programme lui l’est beaucoup moins et quelles seront les conséquences dans notre pays ?
Notre avis
Une claque monumentale. Voilà le sentiment qui parcourt le lecteur tout au long de la lecture de cet album. Une claque sur le fond, car il nous met de manière brutale face à notre responsabilité. Le FN est un parti politique comme les autres ? Et bien soit, François Durpaire – Historien et universitaire spécialisé dans les questions de diversité culturelle- nous plonge le nez dedans et déroule une projection détaillée et technique de ce que serait politiquement, culturellement, économiquement et socialement la France sous le joug nationaliste. Une claque sur la forme car le dessin en noir et blanc de Farid Boudjellal rend l’ensemble de manière hyper réaliste. En s’appuyant sur des images de mouvements sociaux qui traversent notre inconscient collectif, en remettant en lumière les logos et les slogans des groupes identitaires – qu’on nous a fait volontairement oublier – mais surtout en mettant en scène les acteurs importants des médias et de la politique, La présidente réussit à inscrire cette fiction dans notre réalité. Voilà ce qui va se passer si le Front National est au pouvoir et comme l’indique la pastille sur la couverture « Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas… ». Que les sceptiques de tous bords se rassurent (ou s’inquiètent selon leurs tendances politique) mais le travail d’information, les sources et les collaborations qui ont permis d’élaborer cet ouvrage, permettent une précision et une efficacité redoutable. Le lecteur passe de l’indignation à l’effroi, de la résignation à l’effroi, certains y trouveront peut être une forme de jubilation… Toujours est-il que cela en fait un excellent album de bande dessinée.
En deux mots
A l’aune des élections régionales, une fiction qui tire la sonnette d’alarme sur ces petits ruisseaux qui – on l’espère – ne feront pas de grandes rivières. Les choses n’arrivent pas par hasard et ce livre nous rappelle que nous sommes tous en partie responsable.
Alain Lamourette
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