Astrid Manfredi – La petite barbare ***

Par Laure F. @LFolavril

Éditeur : Belfond – Date de parution : août 2015 – 153 pages

Présentation de l’éditeur : « En détention on l’appelle la Petite Barbare ; elle a vingt ans et a grandi dans l’abattoir bétonné de la banlieue. L’irréparable, elle l’a commis en détournant les yeux. Elle est belle, elle aime les talons aiguilles et les robes qui brillent, les shots de vodka et les livres pour échapper à l’ennui. Avant, les hommes tombaient comme des mouches et elle avait de l’argent facile. En prison, elle écrit le parcours d’exclusion et sa rage de survivre. En jetant à la face du monde le récit d’un chaos intérieur et social, elle tente un pas de côté. Comment s’émanciper de la violence sans horizon qui a fait d’elle un monstre ? Comment rêver d’autres rencontres et s’inventer un avenir ? »

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La narratrice, dont on ne connait pas le nom, mais qui se fait appeler « la Petite Barbare », est en prison. A l’isolement pour six mois. Peu à peu, le texte nous révèle pourquoi et comment elle s’est retrouvée là. Elle raconte son enfance en quelques mots, son adolescence. La cité, les mauvaises fréquentations, la drogue, le sexe et l’argent facile…

« Je suis née belle à pleurer un jour de grand froid et d’arbres morts, de parents enterrés avant d’avoir commencé. Ils m’ont légué leur vie, leurs mauvais films et leurs fins de mois difficiles. Il paraît qu’on peut en guérir. C’est loin d’être sûr. »

Le verbe est cru, le regard désillusionné et blasé. Sans appel, sans espoir. Et au milieu de tout ça, elle aime lire. Lire et écrire. Elle découvre la poésie avec Henri Michaux. Elle lit Boris Vian et elle découvre Marguerite Duras avec L’Amant, qu’elle lit et relit, qui lui donne envie d’écrire. Ecrire pour exorciser ses démons et pour oublier les quatre murs qui la retiennent. « Parce qu’il faisait soif et qu’il fallait bien crever les poches de gris, j’ai appris encore un peu plus la littérature. J’aime ça, j’ai toujours aimé ça, lire. J’espère que ça ne me grillera pas trop dans la cité. Je ne veux pas qu’on pense que je suis de la haute, mais il faut que je la finisse, cette putain d’histoire. »

On découvre une verve puissante, et une écriture aussi tranchante que la lame d’un rasoir. En effet, la narratrice n’a pas sa langue dans sa poche et on sent dans ses mots une soif de vivre, une rage contre le monde dans lequel elle a grandit et un désir de s’en sortir. Le ton est mordant, ironique et désabusé. L’auteur joue avec le langage dans ce texte presque « slamé », et c’est tour à tour un plaisir et un coup de poing que l’on se prend.

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« Mais je ne pleure plus, je suis devenue un bout du Sahara. »

« J’ai huit ans. Le temps passe comme le jambon dans la trancheuse du charcutier. On a huit tranches et on n’a rien remarqué. Drôle de métier. »

« Je m’en fous de respirer, je veux mourir essoufflée. Du bruit et de la fureur, voilà ce qui germe dans le cœur de mon cœur. Ça gronde, c’est un orage et aucun présentateur météo ne pourra prédire où il va s’abattre. »

« Avancer coûte que coûte, voir la mer grise. Contempler cette étendue qui nous rappelle qu’il ne faut pas déconner, qu’il y a plus grand que nous, qu’on n’est rien que des microbes vaniteux agrippés à tout ce qui finira par crever. Nous les premiers. »

« Un bouquin c’est pas le paradis, c’est un ciel en flammes. »

Livre lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire!

5/6