Dans
la
famille Bennet, il y a l'aînée Jane, splendide demoiselle de 23 ans
et la vive cadette Elizabeth, âgée de moins de 21 ans. Le
reste de la tribu composée de trois autres jeunettes mérite moins
le détour : Mary s'enferme dans les lectures aussi saines
qu'assommantes, dans les discours moralisateurs qui la rassurent et
l'enferment dans une jolie tour inaccessible, les deux benjamines
(Kitty et Lydia) aussi chipies que dévergondées promettent quelques
sueurs froides au pater familias, Monsieur Bennet, gentleman de son
état. L'époque est vouée aux héritiers mâles et c'est bien le
malheur de cette sororité sans mixité, puisque chacune doit
absolument concrétiser un mariage décent pour assurer ses arrières.
Et c'est ce à quoi emploie toute son énergie, leur mère, Madame Bennet,
tantôt malhabile et indiscrète tantôt généreuse : mener une lutte
acharnée contre le temps pour que ses filles ne se retrouvent pas sur le
carreau à la mort de leur père, évincées par le cousin héritier, le
ridicule Monsieur Collins. Donc l'annonce de la location du domaine de
Netherfield par le sémillant et riche Charles Bingley n'est pas pour
lui déplaire, surtout s'il est accompagné du ténébreux mais
fortuné Fitzwilliam Darcy.
Aucun personnage n'est parfait et c'est ce qui rend le tout humain et rafraîchissant. Elizabeth, pourtant intelligente et spontanée, fait preuve d'une crédulité hallucinante face au « loup-garou » Wickham dont l'éloquence et la prestance servent l'illusion optique. L'estimable M. Darcy confond franchise et diplomatie, flirtant ainsi avec la plus vile goujaterie : il s'autorise ce qu'il interdit à son meilleur ami.
La richesse d'Orgueil et Préjugés réside autant dans la variété des personnages annexes que dans le rythme de la narration, le phrasé remarquable, l'évolution du couple principal ou la description minutieuse de la bourgeoisie provinciale anglaise de l'époque. En parlant de ses contemporains, Jane Austen atteint l'universalité et franchement, ce n'était pas gagné d'avance. Il m'arrive souvent de trouver une lenteur dans un roman classique (je pense en particulier à la période assommante du séminaire dans le Rouge et le Noir de Stendhal). Ici, il n'en est rien parce que l'auteure met beaucoup de vie dans son récit : les danses permettent le rapprochement des corps et donc des cœurs, l'exubérance de Madame Bennet, de Monsieur Collins ou de Lady Catherine de Bourgh (parfois, de Monsieur Bennet) rehaussent les dialogues, les fréquents changements de lieux (et les rencontres improbables qui en découlent) dynamisent l'intrigue.
C'est un roman exemplaire comme Jane Austen sait en construire (je pense à Persuasion dont je parlerai prochainement) et propose de multiples interprétations : d'ailleurs elle suggère plus qu'elle ne dit et je loue les scénaristes des adaptations vues (celle de la BBC par Simon Langton puis celle de Joe Wright) que je vous conseille. Chacune apporte un éclairage différent de cette œuvre avec ses qualités et ses défauts.
les + de la BBC : la fidélité absolue à l’œuvre originale avec des moments intéressants : Colin Firth (Monsieur Darcy) qui prend son bain, fait un plongeon ou montre son exaspération devant Madame Bennet ou Lady Catherine, la scène du jeu de regards où tout est dit sans mots, le personnage de Wickham et ses nombreuses infamies bien développés, la musique et les images.
le - de la BBC : deux héros parfois trop retenus qui empêchent mon petit cœur de s'émouvoir face à leur destinée.
les + de la version de Joe Wright : des moments splendides (la balançoire comme sablier du temps, la scène de la pluie - les cheveux mouillés vont très bien au teint de Matthew MacFayden (M. Darcy), où le langage corporel contredit les mots exprimés - cet échange est une vraie réussite visuelle), le jeu plus élargi et plus libéré des acteurs (les costumes allégés permettent plus de mouvement, le sourire de M. Darcy exprime toute sa grâce, le naturel de Keira Knightley), la fin alternative trop mignonne proposée en bonus, les images (le relief fait corps avec Elizabeth) et la musique.
les - de la version de Joe Wright : une scène ridicule (celle de l'intrusion de M. Darcy dans le presbytère tout comme celle de Charles Bingley lors de la déclaration : inenvisageables à l'époque car les servantes étaient là pour ouvrir les portes), les deux heures passent trop vite !
En résumé : Orgueil et Préjugés, une œuvre à lire, à regarder, à admirer !
en format de Poche
Collection 10/18
Traduction plutôt moderne de V. Leconte et Ch. Pressoir
Collection Folio Classique
Traduction plutôt au mot près de P. Goubert
image captée sur le site de Libfly
Écrit il y a plus de deux siècles, Orgueil et Préjugés n'a rien perdu de sa fraîcheur. Si on pouvait le résumer en une phrase, on dirait de lui qu'il décrit une histoire d'amour entre deux êtres qui se ressemblent tellement que leurs défauts nuisent à la rencontre, comme deux aimants physiques de même polarité se repoussent.Aucun personnage n'est parfait et c'est ce qui rend le tout humain et rafraîchissant. Elizabeth, pourtant intelligente et spontanée, fait preuve d'une crédulité hallucinante face au « loup-garou » Wickham dont l'éloquence et la prestance servent l'illusion optique. L'estimable M. Darcy confond franchise et diplomatie, flirtant ainsi avec la plus vile goujaterie : il s'autorise ce qu'il interdit à son meilleur ami.
La richesse d'Orgueil et Préjugés réside autant dans la variété des personnages annexes que dans le rythme de la narration, le phrasé remarquable, l'évolution du couple principal ou la description minutieuse de la bourgeoisie provinciale anglaise de l'époque. En parlant de ses contemporains, Jane Austen atteint l'universalité et franchement, ce n'était pas gagné d'avance. Il m'arrive souvent de trouver une lenteur dans un roman classique (je pense en particulier à la période assommante du séminaire dans le Rouge et le Noir de Stendhal). Ici, il n'en est rien parce que l'auteure met beaucoup de vie dans son récit : les danses permettent le rapprochement des corps et donc des cœurs, l'exubérance de Madame Bennet, de Monsieur Collins ou de Lady Catherine de Bourgh (parfois, de Monsieur Bennet) rehaussent les dialogues, les fréquents changements de lieux (et les rencontres improbables qui en découlent) dynamisent l'intrigue.
Image captée sur le site de Libfly
Parce qu'il faut aussi reconnaître la beauté des mots, des mises en situation. Les joutes verbales entre Elizabeth et M. Darcy sont des temps forts de partage entre ces deux cœurs orgueilleux et peu complaisants. Même leur danse partagée exprime le combat intérieur mené. Parce que derrière tout cela, se cache le désir de construire une famille et c'est bien la famille qui va d'abord les séparer (cas de Jane) puis les rapprocher (Jane toujours, Georgiana, Lydia, Monsieur et Madame Gardiner d'une certaine façon, et enfin Lady Catherine, à son grand désespoir). Et cela ne pouvait pas être autrement puisque ce qui marque les deux héros reste la relation forte qu'ils entretiennent avec leur fratrie : Elizabeth vit dans un foyer au couple parental certes brinquebalant mais où l'amour et la complicité sont diffusés à chaque instant (aucun n'est indifférent à l'autre), Fitzwilliam Darcy (sur)veille sur sa sœurette Georgiana de façon très protectrice.C'est un roman exemplaire comme Jane Austen sait en construire (je pense à Persuasion dont je parlerai prochainement) et propose de multiples interprétations : d'ailleurs elle suggère plus qu'elle ne dit et je loue les scénaristes des adaptations vues (celle de la BBC par Simon Langton puis celle de Joe Wright) que je vous conseille. Chacune apporte un éclairage différent de cette œuvre avec ses qualités et ses défauts.
les + de la BBC : la fidélité absolue à l’œuvre originale avec des moments intéressants : Colin Firth (Monsieur Darcy) qui prend son bain, fait un plongeon ou montre son exaspération devant Madame Bennet ou Lady Catherine, la scène du jeu de regards où tout est dit sans mots, le personnage de Wickham et ses nombreuses infamies bien développés, la musique et les images.
le - de la BBC : deux héros parfois trop retenus qui empêchent mon petit cœur de s'émouvoir face à leur destinée.
les + de la version de Joe Wright : des moments splendides (la balançoire comme sablier du temps, la scène de la pluie - les cheveux mouillés vont très bien au teint de Matthew MacFayden (M. Darcy), où le langage corporel contredit les mots exprimés - cet échange est une vraie réussite visuelle), le jeu plus élargi et plus libéré des acteurs (les costumes allégés permettent plus de mouvement, le sourire de M. Darcy exprime toute sa grâce, le naturel de Keira Knightley), la fin alternative trop mignonne proposée en bonus, les images (le relief fait corps avec Elizabeth) et la musique.
les - de la version de Joe Wright : une scène ridicule (celle de l'intrusion de M. Darcy dans le presbytère tout comme celle de Charles Bingley lors de la déclaration : inenvisageables à l'époque car les servantes étaient là pour ouvrir les portes), les deux heures passent trop vite !
En résumé : Orgueil et Préjugés, une œuvre à lire, à regarder, à admirer !
en format de Poche
Collection 10/18
Traduction plutôt moderne de V. Leconte et Ch. Pressoir
Collection Folio Classique
Traduction plutôt au mot près de P. Goubert