Tiré du site Marie Cherrier
Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ; sauf si on est en train de parler de la tarte que la meuf qui est de l’autre côté du lit menace de te coller dans la pomme, ça va de soi. Et cette tarte-là, aussi garnie de pommes bio soit-elle, n’a rien du dessert parfait que t’avais imaginé pour terminer ce repas de la Saint Valentin : genre moelleux au chocolat au cœur coulant dont t’aurais juste eu le temps de croquer dans la cerise dessus, avant de préférer fondre sur celle qui devant toi entamait un strip-tease plus chaud que le four qui venait de terminer de le cuir. Il y a des desserts qui te laissent sur une fin que tu n’avais pas vue venir et, en règle générale, quand la tarte encore brûlante chauffe ta joue, il est déjà trop tard. Et si tu veux mon avis, tes promesses tièdes et trop humides qui datent du « il était une fois » de l’histoire, mais que tu t’efforces de réchauffer au micro-ondes depuis, c’est comme l’organe dont t’espérais te servir ce soir : tu peux te les coller derrière l’oreille.
Quitte à pisser dans un instrument de musique, autant le faire dans ce pipeau dont le monde adore jouer, si bien qu’il a fini par nous prendre pour des rats et nous emporter avec lui dans ses délires schizo-maniaco-psychotiques ; même si la mélodie ressemble plus souvent au crissement des ongles manucurés de ses princesses et des dents trop longues de ses loups contre le tableau noir qu’à un concerto pour piano de Mozart. Le problème, c’est qu’on nous a appris à nous endormir avec la voix de maman qui devait certainement avaler sa crème Neutrogena pour l’avoir aussi douce que ses mains ; et que, depuis, on passe notre temps à chercher celui ou celle qui saura nous raconter aussi bien ses histoires, juste pour fuir les mêmes choses qu’on craignait à l’époque : l’obscurité, les monstres et la solitude. Sauf que, depuis, si les histoires commencent toujours pareil, elles se terminent rarement par « ils vécurent heureux », un bisou esquimau, tu peux dormir sur tes deux oreilles : sous ton lit, il n’y a rien d’autre que mon amour qui t’attend déjà demain.
Les histoires d’amour finissent mal en général, ouais, mais faut avouer qu’au fond on les a bien cherchées, ces putes. À nous pointer à chaque fois avec nos gueules ouvertes qui attendent leur tétée, mais n’ont rien d’autre à montrer que ces incisives qui ont fini par creuser un trou dans leur parquet. À déposer sous leur sapin un paquet cadeau brillant avec, dedans, toutes nos blessures de mômes et nos rêves d’un futur dont on n’a jamais été foutus de poser les fondations, accompagné d’un petit mot sur du papier cartonné « démerde-toi avec ça ». Il y en a qui pensent que l’amour se résume à deux grandes questions, celle de l’adolescent qui inspire « quand est-ce qu’on sait qu’on aime ? » et celle du vieux qui expire « quand est-ce qu’on sait qu’on n’aime plus ? ». Et qui, comme ils ne laissent jamais l’amour les surprendre à l’attendre impatiemment, n’entendent jamais ce que leurs cancres de voisins leur soufflaient : mec, tu sais que t’aimes au moment où t’arrêtes de te poser la question ; meuf, tu sais que tu n’aimes plus au moment où tu te poses la question.
Les gens adorent nous coller sous le nez leurs « c’est un peu plus compliqué que ça » et nous les faire bouffer à toutes les sauces pour faire passer leur riz trop cuit, et même si la barbe ne fait pas le philosophe : se tripoter la barbichette donne toujours un peu de contenance si tu n’as pas la chance d’avoir un menton à la bogdanoff pour combler le vide entre ta pomme et la poitrine de celle qui faisait les meilleures tartes aux pommes du monde. Mais en vérité, dans l’amour comme dans la vie, il n’y a jamais rien eu de plus compliqué que les graines que tu y sèmes par désespoir et se font haies, fossés, montagnes aussi vites, aussi grands et profonds que ton imagination s’emballe et perd les pédales. Et ce n’est jamais la faute à l’amour, à la meuf ou au mec qui partage ton lit, si l’histoire finit toujours par foirer ; non, c’est toujours d’abord la tienne. À toi qui, allongé sur le ventre ou sur le dos, n’as jamais su te sortir les doigts du cul pour aller sentir ce qui se passait de l’autre côté, arroser ce fruit qui n’attendait que toi pour mûrir et gravir ce septième ciel que tu lui avais promis.
Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ; mais qu’on marche seuls ou mal accompagnés, tous les chemins mènent au crématorium : alors, au prochain carrefour, prends le sens de l’humour.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle. Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis, au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/