Boo

BooOliver Dalrymple, alias Boo, «renaît» au ciel après être tombé raide mort le 8 septembre 1979 devant son casier, au Hellen Keller Junior High, dans l'Illinois. Il est mort en récitant les éléments du tableau périodique. Il avait treize ans.

Boo se réveille au paradis. Un paradis à mille lieues des versions hollywoodiennes de l'au-delà. Ce lieu, appelé le Village, ressemble en tout point à une petite ville, sauf qu'elle est entourée de murs de béton hauts de vingt-cinq étages, rendant toute fuite impossible. Le Village dispose d'un musée, d'un centre communautaire, d'une prison et d'un hôpital psychiatrique où résident des «tristesdus», des enfants tristes et perdus.Dans ce paradis, rien ne meurt. Les bâtiments et les êtres humains se réparent et se regénèrent spontanément. Ce lieu rassemble les villageois, des ados américains de treize ans. Ils ne vieillissent pas physiquement, mais gagnent en sagesse. Ils sont végétariens, car on ne mange rien de mort au ciel. Ils travaillent, invoquent Zig (Dieu) et s'amusent du mieux qu'ils peuvent. Ils sont «bloqués à treize ans pendant cinquante ans», après quoi, ils disparaissent pour de bon, on ne sait où.Le ciel où vit Boo se révèle un endroit plutôt ennuyeux. La qualité de vie y est plutôt médiocre. Certains pensent qu'il existe un portail vers la Terre et s'éreintent à le trouver.Boo écrit à ses parents le récit de sa nouvelle vie dans l'au-delà, même s'il sait bien que ses écrits ne parviendront jamais jusqu'à eux. C’est l'intention qui compte…Le passage sur terre de Boo n'a pas été de tout repos. Ce nerd solitaire, autiste sur les bords, a toujours été plus intéressé par la biologie et l'astronomie que par l'amitié des autres. Il a été harcelé, humilié, roué de coups.Les parents de Boo ont toujours dit qu'il avait un trou dans le cœur. C'est donc normal que l'adolescent ait pensé que c'est ce qui l'a tué. L'arrivée de Johnny Henzel, un ancien camarade de classe reconnu pour avoir des problèmes psychiatriques, lui en apprend une verte et pas mûre: il n'est pas mort de causes naturelles, non. Il a été victime d'une fusillade. Encore pire: le tireur fou se trouverait parmi eux.Boo et Johnny, secondés par Thelma l'afro-américaine et Esther la naine,se transforment en apprentis justiciers, orchestrant une vendetta. Ils ne se doutent pas des conséquences qui les attendent.BooUne telle présentation peut laisser imaginer le pire. Que l'on se détrompe! L'humour dévastateur et décalé de Neil Smith lui permet d'aborder les sujets les plus graves - l'intimidation, la maladie mentale, le suicide et les fusillades dans les milieux scolaires -  sans jamais tomber dans le pathos.L'écriture de Neil Smith est vive, empreinte d'humour, truffée de jeux de mots et de néologismes. Chaque chapitre est marqué par un élément du tableau périodique, comme si le roman était un compte à rebours scientifique. En plus de ses personnages principaux forts et brillamment définis, les personnages secondaires sont tous plus colorés les uns que les autres: une fille avec le nanisme, une afro-américain et un afro-américain qui souffre de vitiligo. Jusqu'au jumeaux Tim et Tom Lu, qui ressemblent à deux gouttes d'eau à Tweedledum et Tweedledee de Lewis Carroll.

Boo pose un regard neuf et original sur la vie, la mort, l'amitié, le pardon et la rédemption. Cette plongée dans l'univers post-mortem d'un jeune ado hyper attachant est éclatée et terriblement touchante.À la fois thriller et roman d'apprentissage, le roman de Neil Smith rappelle, par certains côtés, La nostalgie de l'ange d'Alice Sebold et le personnage autiste de Mark Haddon dans Le bizarre Incident du chien pendant la nuit.
Un roman de haute voltige, étonnant et inclassable. Pour adolescents, mais pas que…Boo, Neil Smith, Alto, 400 pages, 2015.