Nous avons tous appris à l'école la phrase de Louis XIV : "L'Etat, c'est moi". Mais, deux siècles avant lui, un autre roi de France avait donc prononcé une phrase assez similaire, comme vous pouvez le voir dans notre titre. Ce monarque, c'est Louis XI, roi dont on parle peu, finalement, dont on sait peu de choses et qui pourtant, mérite certainement une place bien plus importante dans les livres d'histoire que celle qu'on lui réserve. C'est en tout cas le point de vue de Gonzague Saint Bris, auteur de "Louis XI le méconnu", paru chez Albin Michel. Le créateur de la "Forêt des livres" et conteur hors pair, a décidé d'ajouter à son palmarès le portrait de Louis XI, roi n'appartenant plus vraiment au Moyen-Âge, bâtisseur d'une France moderne mais pas encore renaissante et incarnation d'un principe qu'on a parfois tendance à oublier de nos jours : l'intérêt général du pays, et donc du peuple.
Né en 1423, dans une France au bord de l'effondrement, ruinée et décimée par l'interminable Guerre de Cent Ans, fils de Charles VII, qui n'a pas encore rencontré Jeanne d'Arc, le jeune Louis ne naît pas sous les meilleurs auspices. Quelques années plus tôt, la bataille d'Azincourt a porté un coup terrible à la monarchie française et l'on a pu croire un temps que tout le royaume allait basculer dans l'escarcelle anglaise...
Avant de devenir Louis XI, en 1461, il est le Dauphin, premier fils de roi à honorer ce titre, en s'installant en Dauphiné et en y testant, si je puis dire, quelques lignes directrices qu'il reprendra par la suite pour les étendre à l'ensemble de son royaume. Louis n'en fait qu'à sa tête et son père, le roi, s'agace de cette indépendance malvenue.
La relation entre le père et le fils ne cessera de se tendre, au point que Louis devra s'exiler pendant plusieurs années en terre bourguignonne, l'ambitieux voisin et l'ennemi héréditaire, afin d'échapper aux armées royales, lancées à la reconquête du Dauphiné. Ce n'est qu'une pause dans l'ascension du jeune homme, qui va apprendre à patienter en attendant son heure.
On a là un homme qui va devenir un roi passionnant. On pourrait, à son sujet, appliquer à la lettre le fameux adage latin "si vis pacem, para bellum" (si tu veux la paix, prépare la guerre). Durant une bonne partie de son règne, la guerre va en effet se poursuivre, mais, Louis est un fin stratège et non seulement, il va remporter des victoires importantes, mais elles vont lui permettre de clore d'interminables conflits tout en agrandissant le territoire de son royaume.
Bien sûr, il va devoir lui aussi guerroyer contre l'Anglois, mais ce dernier, rattrapé par des divisions internes débouchant sur la Guerre des Deux Roses, va jeter l'éponge. Mais l'adversité reste grande et le trône de Louis XI sera longtemps contesté. La ligue du Bien-Public ou encore son jeune frère, le Duc de Berry, n'auront de cesse de manigancer pour le faire tomber. En vain.
Mais le vrai adversaire de Louis XI, celui avec lequel la rivalité sera permanente, c'est le fameux duc de Bourgogne, celui que la postérité conserve sous l'appellation de Charles le Téméraire. Entre les deux hommes, ce sera une lutte terrible, de près de 20 ans, qui ne s'achèvera qu'aux portes de Nancy, à la mort du Téméraire, trahi par Campo Basso...
Louis XI se sortira de chacune de ces embûches, jouant également très habilement sur le plan diplomatique, tirant quelques ficelles et signant quelques alliances pour parvenir à ses fins. Mais, le monarque est déterminé, car il a une vision politique pour son royaume et veut la mettre en place. Une vision qui va rompre avec la France féodale et médiévale et ouvrir la transition vers la Renaissance.
Mais, Gonzague Saint Bris évoque aussi l'homme, personnage étrange, qu'on a, selon lui trop souvent réduit à sa laideur et à sa cruauté, symbolisée par les fameuses "fillettes", ces cages étriquées dans lesquelles on enfermait les prisonniers et dans lesquelles ils ne pouvaient ni se tenir debout, ni s'asseoir et encore moins se coucher.
Personnellement, c'est quasiment la seule image que j'avais de Louis XI, après avoir découvert ce mode de détention particulièrement abominable dans une "Histoire de France illustrée" que j'ai lue et relue étant enfant, formidable vecteur de transmission de ce que l'on appelle désormais le roman national. Désormais, mon regard a changé, s'équilibre.
On découvre dans "Louis XI le méconnu", un roi affable, plein d'humour, solitaire car c'est le lot d'un monarque mais appréciant d'être entouré d'amis. Des amis qu'il choisit souvent, au grand dam des grands seigneurs féodaux, dans la bourgeoisie. Eh oui, Louis XI est un roi méfiant, qui cherche à éloigner les puissants du pouvoir, qu'ils soient nobles ou ecclésiastiques, malgré une foi profonde...
Apparaît aussi l'image d'un roi qui se consacre tout entier à sa charge, travaille comme un forcené, ne prenant que peu de temps pour lui, qu'il consacre à la chasse ou à ses animaux. Les chiens, qu'il fait venir de partout, ainsi que les oiseaux, viennent meubler ces rares instants de détente. Quant aux femmes, elles sont nombreuses dans sa vie, mais il ne semble guère s'attacher...
Comme souvent, avec Gonzague Saint Bris, ce que l'on a en main tient plus du portrait que véritablement de la biographie. Mais, ce qu'on lit dans ces pages repose sur une solide documentation et une importante bibliographie, dont les textes de Philippe de Commynes, serviteur et ami du roi dont il chroniqua soigneusement le règne. Encore un point commun de Louis XI avec Louis XIV, qui aura son Saint-Simon...
Ce récit est agréable à lire, et c'est certainement l'objectif principal de Gonzague Saint Bris. Une sorte de vulgarisation en apprend beaucoup sur ce personnage et son époque. Et cela n'empêche pas ensuite, d'aller se frotter si on le souhaite, à des textes plus complexes, des biographies plus approfondies, mais peut-être aussi un peu plus rébarbatives.
On n'est certainement pas dans une démarche que l'on pourrait qualifier d'universitaire, même si j'ai trouvé que, par rapport au livre sur Sade, dont nous avions parlé ici, Gonzague Saint Bris ne digresse pas et reste à son sujet d'un bout à l'autre. Mais, cela ne veut pas dire qu'il n'en profite pas pour lancer quelques piques et quelques messages.
Et l'on revient à cette volonté farouche d'un roi de se consacrer à sa fonction politique, avec comme objectif l'intérêt commun, bien plus qu'une quelconque puissance personnelle. Louis XI est un roi normal, si je puis dire, loin du bling bling qu'on imagine en vogue dans une cour aussi puissante que celle de France à l'époque.
Il s'habille très sobrement, loin des débordements de brocards, fourrures, or et bijoux que la noblesse prise. Au point que cette austérité lui vaut méfiance de la part des puissants : un roi si chichement vêtu, ne revendiquant pas sa richesse et son pouvoir n'est pas digne de confiance. A moins que cela ne les renvoie à leurs propres excès, ce qui n'est jamais agréable, forcément.
Là encore, Louis XI se démarque de son temps et de ses pairs, ce qui en fait un roi différent des autres, dans l'optique de Gonzague Saint Bris. Cette modestie associée à la volonté sans cesse affichée de travailler pour améliorer le sort quotidien de ses sujets en fait, à ses yeux, un bon exemple à suivre pour une classe politique qui a un peu perdu de vue ses missions premières.
Ce n'est pas une question de régime, que ce soit une monarchie ou une république, les missions restent les mêmes et l'intérêt public devrait demeurer une priorité. C'est plus l'abnégation d'un Louis XI (qui, certes, n'avait pas à se soucier de plaire ou de déplaire en vue d'un éventuelle réélection) qui focalise l'attention de l'auteur.
Louis XI fut surnommé le Prudent, il fut pourtant un véritable réformateur, attentif aux évolutions technologiques, comme l'imprimerie, qu'il a encouragée à ses débuts (nous avions d'ailleurs évoqué la question à l'occasion de la lecture de "la confrérie des chasseurs de livres", de Raphaël Jerusalmy) et il a véritablement permis à ses successeurs de mener un royaume élargi vers une nouvelle ère.
On le dit aussi fondateur de la poste, ce n'est pas tout à fait exact. Ce qui l'est, en revanche, et là encore, c'est une des spécificités de ce roi, c'est qu'il s'est beaucoup déplacé à travers le royaume pendant son règne, obligeant les communications à suivre et à s'organiser pour qu'il puisse être informé au mieux. En cela, il a permis des avancées dans un domaine si éloigné de ce que nous connaissons actuellement.
Il ne s'agit pas d'ouvrir de polémiques sur les mérites comparés ou les défauts de tel ou tel régime politique. Simplement d'observer un personnage qui, comme le qualifie parfaitement Gonzague Saint Bris, reste très méconnu. Ce n'est pas une hagiographie qu'on a en main, simplement un portrait d'un homme qui a marqué l'histoire.
Le personnage n'est pas parfait, ce n'est pas un saint mais une forte tête, à la détermination plus forte que tout, même une santé fragile. Un véritable homme politique, porté par une vision, un idéal qui n'est pas seulement le sien, mais celui du plus grand nombre. Certains trouveront sans doute que l'ordre établi n'a été qu'effleuré, et pas renverser.
Mais, on peut aussi légitimement se demander à quoi ressemblerait la France si Louis XI avait échoué dans son entreprise, si ses adversaires féroces avaient réussi à le jeter au bas de son trône pour prendre sa place... Voilà l'occasion de mieux connaître un homme, un homme d'Etat, en considérant simplement ce qu'il a fait au cours d'un règne qui dura une vingtaine d'années au total, mais aussi, au cours de toute sa vie.
Né en 1423, dans une France au bord de l'effondrement, ruinée et décimée par l'interminable Guerre de Cent Ans, fils de Charles VII, qui n'a pas encore rencontré Jeanne d'Arc, le jeune Louis ne naît pas sous les meilleurs auspices. Quelques années plus tôt, la bataille d'Azincourt a porté un coup terrible à la monarchie française et l'on a pu croire un temps que tout le royaume allait basculer dans l'escarcelle anglaise...
Avant de devenir Louis XI, en 1461, il est le Dauphin, premier fils de roi à honorer ce titre, en s'installant en Dauphiné et en y testant, si je puis dire, quelques lignes directrices qu'il reprendra par la suite pour les étendre à l'ensemble de son royaume. Louis n'en fait qu'à sa tête et son père, le roi, s'agace de cette indépendance malvenue.
La relation entre le père et le fils ne cessera de se tendre, au point que Louis devra s'exiler pendant plusieurs années en terre bourguignonne, l'ambitieux voisin et l'ennemi héréditaire, afin d'échapper aux armées royales, lancées à la reconquête du Dauphiné. Ce n'est qu'une pause dans l'ascension du jeune homme, qui va apprendre à patienter en attendant son heure.
On a là un homme qui va devenir un roi passionnant. On pourrait, à son sujet, appliquer à la lettre le fameux adage latin "si vis pacem, para bellum" (si tu veux la paix, prépare la guerre). Durant une bonne partie de son règne, la guerre va en effet se poursuivre, mais, Louis est un fin stratège et non seulement, il va remporter des victoires importantes, mais elles vont lui permettre de clore d'interminables conflits tout en agrandissant le territoire de son royaume.
Bien sûr, il va devoir lui aussi guerroyer contre l'Anglois, mais ce dernier, rattrapé par des divisions internes débouchant sur la Guerre des Deux Roses, va jeter l'éponge. Mais l'adversité reste grande et le trône de Louis XI sera longtemps contesté. La ligue du Bien-Public ou encore son jeune frère, le Duc de Berry, n'auront de cesse de manigancer pour le faire tomber. En vain.
Mais le vrai adversaire de Louis XI, celui avec lequel la rivalité sera permanente, c'est le fameux duc de Bourgogne, celui que la postérité conserve sous l'appellation de Charles le Téméraire. Entre les deux hommes, ce sera une lutte terrible, de près de 20 ans, qui ne s'achèvera qu'aux portes de Nancy, à la mort du Téméraire, trahi par Campo Basso...
Louis XI se sortira de chacune de ces embûches, jouant également très habilement sur le plan diplomatique, tirant quelques ficelles et signant quelques alliances pour parvenir à ses fins. Mais, le monarque est déterminé, car il a une vision politique pour son royaume et veut la mettre en place. Une vision qui va rompre avec la France féodale et médiévale et ouvrir la transition vers la Renaissance.
Mais, Gonzague Saint Bris évoque aussi l'homme, personnage étrange, qu'on a, selon lui trop souvent réduit à sa laideur et à sa cruauté, symbolisée par les fameuses "fillettes", ces cages étriquées dans lesquelles on enfermait les prisonniers et dans lesquelles ils ne pouvaient ni se tenir debout, ni s'asseoir et encore moins se coucher.
Personnellement, c'est quasiment la seule image que j'avais de Louis XI, après avoir découvert ce mode de détention particulièrement abominable dans une "Histoire de France illustrée" que j'ai lue et relue étant enfant, formidable vecteur de transmission de ce que l'on appelle désormais le roman national. Désormais, mon regard a changé, s'équilibre.
On découvre dans "Louis XI le méconnu", un roi affable, plein d'humour, solitaire car c'est le lot d'un monarque mais appréciant d'être entouré d'amis. Des amis qu'il choisit souvent, au grand dam des grands seigneurs féodaux, dans la bourgeoisie. Eh oui, Louis XI est un roi méfiant, qui cherche à éloigner les puissants du pouvoir, qu'ils soient nobles ou ecclésiastiques, malgré une foi profonde...
Apparaît aussi l'image d'un roi qui se consacre tout entier à sa charge, travaille comme un forcené, ne prenant que peu de temps pour lui, qu'il consacre à la chasse ou à ses animaux. Les chiens, qu'il fait venir de partout, ainsi que les oiseaux, viennent meubler ces rares instants de détente. Quant aux femmes, elles sont nombreuses dans sa vie, mais il ne semble guère s'attacher...
Comme souvent, avec Gonzague Saint Bris, ce que l'on a en main tient plus du portrait que véritablement de la biographie. Mais, ce qu'on lit dans ces pages repose sur une solide documentation et une importante bibliographie, dont les textes de Philippe de Commynes, serviteur et ami du roi dont il chroniqua soigneusement le règne. Encore un point commun de Louis XI avec Louis XIV, qui aura son Saint-Simon...
Ce récit est agréable à lire, et c'est certainement l'objectif principal de Gonzague Saint Bris. Une sorte de vulgarisation en apprend beaucoup sur ce personnage et son époque. Et cela n'empêche pas ensuite, d'aller se frotter si on le souhaite, à des textes plus complexes, des biographies plus approfondies, mais peut-être aussi un peu plus rébarbatives.
On n'est certainement pas dans une démarche que l'on pourrait qualifier d'universitaire, même si j'ai trouvé que, par rapport au livre sur Sade, dont nous avions parlé ici, Gonzague Saint Bris ne digresse pas et reste à son sujet d'un bout à l'autre. Mais, cela ne veut pas dire qu'il n'en profite pas pour lancer quelques piques et quelques messages.
Et l'on revient à cette volonté farouche d'un roi de se consacrer à sa fonction politique, avec comme objectif l'intérêt commun, bien plus qu'une quelconque puissance personnelle. Louis XI est un roi normal, si je puis dire, loin du bling bling qu'on imagine en vogue dans une cour aussi puissante que celle de France à l'époque.
Il s'habille très sobrement, loin des débordements de brocards, fourrures, or et bijoux que la noblesse prise. Au point que cette austérité lui vaut méfiance de la part des puissants : un roi si chichement vêtu, ne revendiquant pas sa richesse et son pouvoir n'est pas digne de confiance. A moins que cela ne les renvoie à leurs propres excès, ce qui n'est jamais agréable, forcément.
Là encore, Louis XI se démarque de son temps et de ses pairs, ce qui en fait un roi différent des autres, dans l'optique de Gonzague Saint Bris. Cette modestie associée à la volonté sans cesse affichée de travailler pour améliorer le sort quotidien de ses sujets en fait, à ses yeux, un bon exemple à suivre pour une classe politique qui a un peu perdu de vue ses missions premières.
Ce n'est pas une question de régime, que ce soit une monarchie ou une république, les missions restent les mêmes et l'intérêt public devrait demeurer une priorité. C'est plus l'abnégation d'un Louis XI (qui, certes, n'avait pas à se soucier de plaire ou de déplaire en vue d'un éventuelle réélection) qui focalise l'attention de l'auteur.
Louis XI fut surnommé le Prudent, il fut pourtant un véritable réformateur, attentif aux évolutions technologiques, comme l'imprimerie, qu'il a encouragée à ses débuts (nous avions d'ailleurs évoqué la question à l'occasion de la lecture de "la confrérie des chasseurs de livres", de Raphaël Jerusalmy) et il a véritablement permis à ses successeurs de mener un royaume élargi vers une nouvelle ère.
On le dit aussi fondateur de la poste, ce n'est pas tout à fait exact. Ce qui l'est, en revanche, et là encore, c'est une des spécificités de ce roi, c'est qu'il s'est beaucoup déplacé à travers le royaume pendant son règne, obligeant les communications à suivre et à s'organiser pour qu'il puisse être informé au mieux. En cela, il a permis des avancées dans un domaine si éloigné de ce que nous connaissons actuellement.
Il ne s'agit pas d'ouvrir de polémiques sur les mérites comparés ou les défauts de tel ou tel régime politique. Simplement d'observer un personnage qui, comme le qualifie parfaitement Gonzague Saint Bris, reste très méconnu. Ce n'est pas une hagiographie qu'on a en main, simplement un portrait d'un homme qui a marqué l'histoire.
Le personnage n'est pas parfait, ce n'est pas un saint mais une forte tête, à la détermination plus forte que tout, même une santé fragile. Un véritable homme politique, porté par une vision, un idéal qui n'est pas seulement le sien, mais celui du plus grand nombre. Certains trouveront sans doute que l'ordre établi n'a été qu'effleuré, et pas renverser.
Mais, on peut aussi légitimement se demander à quoi ressemblerait la France si Louis XI avait échoué dans son entreprise, si ses adversaires féroces avaient réussi à le jeter au bas de son trône pour prendre sa place... Voilà l'occasion de mieux connaître un homme, un homme d'Etat, en considérant simplement ce qu'il a fait au cours d'un règne qui dura une vingtaine d'années au total, mais aussi, au cours de toute sa vie.