Sous le Signe du Scorpion
de Maggie Stiefvater
Sur l’île de Thisby, tous les ans au mois de novembre, se déroulent les courses du Scorpion. Aussi fascinantes que dangereuses, cet événement attire les touristes, connaisseurs et curieux, et met toute la ville de Skarmouth en effervescence. Il faut dire que ce ne sont pas des courses ordinaires, non, celles-ci se font à dos de chevaux de mer : des créatures cruelles et sanguinaires qui feraient tout pour retourner à l’océan et qui égorgent les hommes comme un troupeau de poneys brouterait de l’herbe. Malgré tout, Kate – Puck – Connolly, 17 ans, doit participer cette année. Elle doit participer et elle doit gagner.
Encore une fois, Maggie Stiefvater nous emporte dans une folle histoire pleine de magie et d’inattendu tout en créant une intimité entre le lecteur et le récit. Ici, on entre dans la vie de Puck et on ressent tout ce qui l’entoure. L’île devient vivante sous la plume de l’auteure, décrite avec un vocabulaire quasi organique, tout comme le vent qui la balaye, le sel dans l’air, le sable sous nos pieds, l’odeur des chevaux. Puck n’est pas très expressive mais les longs dialogues ne servent à rien lorsque les bourrasques venues du large emportent les mots au loin. Et puis on comprend très bien qui elle est dans ses gestes, dans ses froncements de sourcils, dans la façon dont elle tient les rênes de sa jument. On n’a pas besoin de plus et c’est là que Stiefvater est juste.
J’ai aimé cette ambiance où les choses sont dites dans le silence mais aussi où la brutalité de la vie est omniprésente. Que cela soit le quotidien difficile sur l’île, dans la violence des chevaux de mer, dans les paysages sauvages ou dans la soudaine intensité des sentiments humains. La peur, l’amour, le sentiment de trahison, le plaisir de déguster une sucrerie rarement goûtée : autant d’étincelles dans le décor bleu-gris de la « Scorpio Sea ».
J’ai beaucoup aimé le personnage de Sean aussi, tout en regards et en hochements de tête. Une force calme, secrète et impénétrable.
Et je sais que ça peut en énerver plus d’un (je sais que moi, ça m’énerve dans certains cas) mais ici, j’ai adoré que l’auteure laisse des flous dans l’histoire de l’île, dans l’organisation des courses et même dans le passé des personnages. Cela donne au récit un côté « instantané ». On nous raconte un passage de leurs vie, on nous donne les informations dont on a besoin, juste ce qu’il faut ; mais on ne nous fait pas leur biographie, on ne va pas rester avec eux jusqu’au bout : on n’a pas besoin de tout savoir. Je trouve que cela renforce le brouillard de secret qui embrasse cette île et leurs habitants. Cela participe à l’ambiance feutrée et farouche du récit. J’adore.
Une lecture courte, brusque et belle qui m’a emmenée sur une île lointaine, changeante et mystérieuse à la rencontre de monstres mythiques. Bien joué, Maggie.
Cette lecture compte pour le challenge Littérature de L’Imaginaire auquel je participe cette année et puisque je l’ai lu en V.O (à moins d’être hyper calé en vocabulaire d’équitation anglais, je ne conseillerais pas cette lecture à des débutants), il compte aussi pour Read In English 2015/2016! N’est-ce pas merveilleux?!
Marion