Sidéré, je n’ai pas d’autre mot pour exprimer mon sentiment au sortir de la lecture de ce texte. Sidéré à double titre, d’abord parce qu’un bouquin de plus de sept cents pages me fait toujours très peur à priori (je ne mentirai pas, j’ai tiré la langue sur quelques passages) et que son sujet n’avait rien d’emballant pour moi, deuxièmement parce que si le premier volet, La Mort d’un père, m’avait conquis, j’y voyais un hasard heureux. Or, cette fois encore, c’est très bon.
Comme son titre l’indique, l’écrivain va connaitre l’amour. Après un premier mariage qui aura duré six ans, il va quitter la Norvège et s’expatrier en Suède, à Stockholm où il rencontrera Linda, nouvelle épouse qui lui donnera trois enfants. Voilà le sujet du roman avec en fil rouge l’écriture de son roman qui le possède comme un démon. Journal intime, roman ou récit autobiographique, le texte est très dense, sans chapitres, tout d’une traite, si ce ne sont des sauts de lignes permettant des pauses. Si j’étais à votre place, à me lire, j’abandonnerais certain que ce bouquin n’est pas pour moi. Et pourtant !
Le livre peut sembler anodin (il suffit de comparer les titres des deux volumes, le premier émeut d’emblée, le second fait ricaner), en fait il fait réfléchir sur nos vies au quotidien. Ca ne parle de rien en particulier donc ça parle de tout ce qui est essentiel, la vie, la mort, la philosophie, les arts (« Qu’est-ce qu’une œuvre d’art sinon le regard d’un autre être humain »), la littérature… J’ai beaucoup souligné de réflexions passionnantes. Et non, je n’ai pas crissé des dents quand il évoque le changement des couches de sa gamine ou les caprices du bébé dans les lieux publics car Knausgaard sait parler de manière adulte et non nunuche de son quotidien de père. De même qu’il n’a aucun scrupule à se montrer sous un jour pas toujours/souvent à son avantage que ce soit en actes ou en paroles.
Il est rare de tomber sur des écrivains à l’écriture aussi forte, en voilà un, ne le ratez pas. Ses bouquins sont plus puissants que le lecteur, le maintenant sous leur coupe grâce à un pouvoir attractif mystérieux et qui a mis à mal toutes les idées (reçues) que je me faisais d’un bon livre. Il y a ici, une vérité universelle - « C’était vers l’essentiel, le cœur même de l’existence humaine que j’allais tendre [en tant qu’écrivain] » - qui nous rappelle que la littérature peut-être autre chose que de la fiction plus ou moins bien maîtrisée ou du roman nombriliste qui se la pète.