Comment mener la belle vie pendant que les autres sont au front

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Facteur pour femmes (Didier Quella-Guyot – Sébastien Morice – Editions Grand Angle)

Il y en a certains pour qui la guerre a vraiment du bon! Prenez Maël par exemple. Pour lui, les quatre années de la Première guerre mondiale vont même carrément devenir les meilleures années de sa vie. En 1914, la petite île bretonne où il habite se retrouve subitement vidée de la quasi-totalité de sa population masculine, tous les hommes étant mobilisés pour aller combattre sur le front. Les seuls représentants masculins qui restent sur l’île sont les enfants, les vieillards… et Maël. A cause de son pied-bot, il est en effet le seul homme de son âge à n’être pas réquisitionné par l’armée française. Même le curé et le maire sont mobilisés. Au début, ça fait râler Maël de devoir rester sur l’île. Une fois de plus, il se sent mis à l’écart à cause de sa guibole de travers. Décidément, on le prend vraiment pour un incapable, à commencer par son propre père. Mais lorsqu’on lui demande de participer à l’effort de guerre en reprenant le rôle de facteur de l’île, il va rapidement se rendre compte qu’il y a des avantages non négligeables liés au fait d’être le seul homme jeune et vigoureux sur une île peuplée de femmes esseulées… Habitué jusque-là à passer inaperçu aux yeux de la gent féminine, Maël va changer de statut au fur et à mesure de ses tournées. Il faut dire qu’en tant que facteur, il joue un rôle crucial: c’est lui qui amène des nouvelles de leurs maris et de leurs fils aux femmes de l’île. Dans toutes les maisons, on attend donc impatiemment l’arrivée du facteur sur son vélo. Et comme la plupart des femmes ne savent pas lire, il leur lit aussi les lettres. Forcément, il finit par se rapprocher de plusieurs d’entre elles. Certaines n’hésitent plus à se confier à ce jeune homme tellement gentil et enthousiaste. Au bout de quelques mois, Maël finit même par devenir l’amant de plusieurs d’entre elles. Mais forcément, toutes les bonnes choses ont une fin. Après tout, la guerre ne peut pas durer éternellement…

« Facteur pour femmes » est une histoire insulaire particulièrement originale signée par le scénariste Didier Quella-Guyot et le dessinateur Sébastien Morice, qui avaient déjà travaillé ensemble sur la série « Papeete 1914 ». Bien construit et superbement mis en images, « Facteur pour femmes » parvient non seulement à nous captiver mais aussi à nous surprendre. Le récit contient en effet un fameux rebondissement, sur lequel nous ne dirons évidemment rien, histoire de ne pas gâcher le plaisir de lecture. La réussite de la BD de Quelle-Guyot et Morice tient surtout à deux éléments principaux. Premièrement, la psychologie des différents  personnages. Il y a Maël bien sûr, qui prend de plus en plus d’assurance au fil des pages, et qui finit par se sentir comme un sultan à la tête de son harem, allant jusqu’à négliger les règles les plus élémentaires de prudence. Mais il y a aussi les femmes de l’île, qui ont chacune leur manière bien à elle de séduire le jeune facteur, et qui se révèlent souvent très touchantes. L’autre grand atout de « Facteur pour femmes », c’est la qualité des dessins de Sébastien Morice. Avec son trait rond et simple, cet amoureux de la Bretagne parvient véritablement à faire vivre cette petite île aux paysages typiquement bretons. C’est lui aussi qui signe les couleurs très réussies du livre. Une BD qui donne envie de devenir facteur en Bretagne!