Décembre 1941. Bedrich arrive au camp de Terezin, en compagnie de sa femme Johanna et de leur fils Tomi, encore bébé. A la descente du train qui les a amenés là, ils sont aussitôt séparés. Les femmes et les enfants d’un côté, les hommes de l’autre. Bedrich se retrouve dans un baraquement, où les châlits se superposent sur trois niveaux, où il n’y a pas de place pour bouger, où l’on ne peut échapper à l’odeur écœurante de la crasse qui se dégage de ces hommes entassés comme des bêtes.
Dans la journée, Bedrich est affecté à un bureau de dessins techniques, dont il est nommé responsable. C’est là que sont conçus les infrastructures du camp, les bâtiments du nouveau crématorium par exemple. Les hommes y travaillent avec application, évacuant l’horreur de leur sujet d’études, pour se concentrer sur le souci de bien faire, de réaliser quelque chose. La nuit, en cachette, les hommes se retrouvent et dessinent pour décrire leur quotidien, leurs souvenirs, pour retrouver un peu de leur ancienne liberté.
Une inspection de la Croix-Rouge est annoncée. Les hommes décident alors de témoigner de leur sort grâce à leur art. Peut-être arriveront-ils à faire passer quelques dessins à l’organisation pour montrer ce qu’est leur vie dans le camp, ce qui les attend, ce qui se passe à Terezin.
Á peine plus d’une centaine de pages et pourtant tout est dit dans ce livre d’Antoine Choplin sur ce qu’ont vécu ces hommes, ces femmes et ces enfants dans le camp de Terezin. Des dessins de Bedrich Fritta et de ses camarades sont restés cachés dans le camp et ont été retrouvés plus tard, témoignage poignant de vies anéanties, certes, mais aussi de l’envie de s’exprimer pour montrer au monde ce qu’il ignorait, l’envie de se souvenir de moments heureux du passé, l’envie de rester un humain dans l’antichambre de l’enfer.
C’est un livre très fort par son sujet, et aussi très délicat par la forme. Pas de démonstration spectaculaire, tout est dans la suggestion, la pudeur et la retenue. Un livre à découvrir absolument, dans une édition très soignée.
J’ai reçu ce livre dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire 2015 organisés par Price Minister, et grâce à Jérôme du blog D'une berge à l'autre qui m’a donné envie de le lire. Merci à eux ainsi qu'à l'éditeur, La fosse aux ours.
Troisième lecture pour le challenge 1% Rentrée littéraire 2015, orchestré par Sophie Hérisson.