Auteur : Pascal Manoukian
Editeur : Don Quichotte
Date de parution : 20 août 2015
298 pages
Je vous écris à vous, Virgil, Assan, Iman et Chanchal, je vous écris à vous, les personnages de ce roman extraordinaire, parce que vous existez, je le sais, quelque part, en France et ailleurs, hier et aujourd’hui, vous qui avez traversé des mers et des océans, vous qui avez frôlé la mort, vous qui avez risqué votre vie pour survivre, pour apporter un peu de bonheur à vos familles, pour fuir un pays qui ne vous a offert que des souffrances, pour cueillir quelques fruits gorgés d’espoir. Vous qui nous donnez une leçon de vie, vous que l’on côtoie sans vous voir, vous, les clandestins, vous qui êtes à la merci des exploiteurs de tout poil, vous à la fois si fragiles et si forts.
Je vous écris pour vous dire combien j’ai été heureuse de vous rencontrer, de vivre ces quelques pages en votre compagnie. La plume de Pascal Manoukian vous a permis de crier à la face du monde que vous existez, que vous êtes là, à côté de nous, les nantis, et que vous avez autant le droit que nous de vivre, de manger, de boire, de rire et de pleurer. Vous nous êtes indispensables. Vous nous ouvrez les yeux. J’ai retardé le moment de vous quitter, je ne le voulais pas, j’ai arrêté ma lecture quelques pages avant la fin pour profiter quelques instants encore de vos mots et de vos gestes, y compris des plus désespérément optimistes…
J’ai aimé partager vos moments de bonheur et vos moments de douleur. J’ai frémi et j’ai pleuré de rage plus d’une fois, devant la cruauté de certains hommes, devant la bêtise et l’ignorance de certaines femmes, devant le poids des traditions. J’ai fermé les yeux et j’ai posé le livre plus d’une fois ne cessant de répéter « ce n’est pas possible, mais ce n’est pas possible », sachant bien sûr que oui c’est possible, que l’inhumanité est finalement le propre de l’homme.
J’ai souri et j’ai espéré comme vous lorsque Julien et Elise vous ont emmené à Houlgate, cette fenêtre de respiration, ce bol d’air marin, un beau moment de bonheur simple.
J’ai aimé la construction des trois premiers chapitres et leur fin analogue, ce point commun à la fois cocasse et tragique. Il est fort cet auteur qui vous a donné la parole, qui a permis que tant de lecteurs et lectrices prennent la juste mesure de cette tragédie qu’est l’immigration.
Ca parait un peu grandiloquent tout ça, un peu surfait, mais je ne savais pas de quelle manière parler de ce roman si bien documenté sans le dénaturer. Comment aurais-je osé dire que c’était bien, bouleversant, authentique, juste sans être larmoyant et tout le toutim… alors que ce que j’ai ressenti, c’était bien plus que cela…
Alors je vous écris ces quelques mots à vous les personnages de ce roman, parce que vous allez me hanter longtemps et parce que je sais que je ne regarderai plus jamais un « réfugié » de la même façon, et aussi parce que vous me manquez déjà.
« C’est mathématique, il arrive à peu près quatre cent mille clandestins chaque année en Europe. Ca représente à peine 0,001 % de la population. C’est tout à fait gérable, même en période de grand chômage comme aujourd’hui. Alors ces histoires d’invasion, de colonisation à l’envers, c’est ridicule ! A ce rythme-là, vous savez combien il faudrait d’années pour que les immigrés détrônent les Européens ? »
Virgil n’en avait aucune idée.
« Mille ans ! Où est la menace ? »
Il se servit un fond de verre pour goûter le vin.
« C’est pour ça que j’aime les chiffres ! Quand on sait les faire parler, c’est le meilleur rempart contre la bêtise et l’ignorance. »
Ce roman a été lu grâce à Jérôme qui l’a sélectionné dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire de Price Minister.