Chronique " Esméra ",
Scénario de Zep, dessin de Vince,
Public : Adultes uniquement,
Style : Erotisme,Paru aux éditions Glénat, le 24 novembre 2015, 😯 pages couleurs, 24 euros
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L'Histoire
À la fin des années 1960, Esmera Santeneo grandit à l'école pour fille du Sacro Cuore en Italie. C'est dans cet environnement austère que la jeune fille voit ses premiers désirs charnels naître en elle. Partageant ses sentiments avec son amie Rachele, Esmera vivra ses premières expériences avec des garçons. Dans l'Italie des années 1960, l'éducation sexuelle est balbutiante et le plaisir de la femme, optionnel. Les premières aventures d'Esmera sont souvent décevantes mais riches en enseignements. Quand enfin elle parvient à maîtriser son plaisir, elle découvre que son corps possède un pouvoir unique et exceptionnel : elle change de sexe avec chaque orgasme !
"Esméra" est une BD très érotique mais qui nous élève (sans mauvais esprit). Sur la quatrième de couverture il est écrit : " il s'agit d'un vertige pornographique ". J'ajouterais qu'étant moi-même sensible au vertige, j'ai littéralement plongé !Acheter la version 'Luxe'
Ce que j'en pense
"Esméra", charmante jeune femme change de sexe à chaque orgasme. Toute la BD tourne autour de ce thème. Mais en fait, c'est extrêmement subtile, car cette idée géniale, de passage de homme en femme et vice-versa, permet à Zep de revoir les désirs des uns et des autres et d'aborder la condition des hommes et des femmes, vis-à-vis de la sexualité.
Certes il s'agit d'une BD érotiquo-porno, mais que le grivois moyen se méfie, on sort ici franchement des codes classiques du genre.
L'action se déroule en Italie (les "latin lovers", etc...) avec cette relation particulière à la religion catholique, à la condition de la femme (la mère, les enfants, la virginité...).
L'époque est celle des années 70 avec la libération sexuelle qui s'y rattache.
Cette jeune fille qui se libère, c'est la jeunesse européenne. Au début c'est la découverte puis les excès, les découvertes... La BD de Zep et Vince retrace cette époque. Elle décrit une jeunesse fantasmée.
"Esmera", c'est aussi et surtout le questionnement sur notre sexualité : homme ou femme ? Il est question ici du trans-genre au sens littéral du terme : qui passe de l'un à l'autre. Esméralda vit cela, mais dans les deux sens, en tant qu'homme, puis femme avec des hommes et des femmes. Tout y est : l'hétérosexualité en tant qu'homme ou en tant que femme et la même chose pour l'homosexualité. Et si fondamentalement on n'espérerait pas être tout cela en même temps ?
La BD pose la problématique du "trans" et de l'intime au sein du quotidien, et non pas sur le plan politique.
C'est un livre porno certes, mais aussi très politique. Il ose même nous interpeller sur la question du sexe des anges avec une certaine poésie et beaucoup d'humour.
"Gisèle et Béatrice" par Feroumont traitait déjà de ce sujet, mais avec un dessin et une forme comique. "Mauvais genre" de Chloé Cruchaudet, que j'avais adoré, lui aussi abordait ce thème, mais sous un angle intimiste.
"Esméra" ne manque ni d'humour, ni de tendresse pour ses personnages, mais son côté porno le classe à part des autres livres, ne serait-ce que dans la bibliothèque.
Le dessin de Vince est somptueux : une parfaite adéquation au scénario de Zep. Les tons sépia, donnent un aspect nostalgique, mais aussi plus tendre.. C'est surprenant pour ce genre, mais le résultat est là.
Je n'étais pas un grand fan de la biblio de Vince, ne serait-ce que par manque d'intérêt pour la SF. Dans "Esmera", sl pagination, les couleurs, le dessin, tout est beau, vraiment beau. Je change officiellement d'avis à son égard.