Alice au pays des merveilles : Influence #1
Le 26 novembre 1865, une petite fille prénommée Alice tombait dans un terrier de lapin et se retrouvait au cœur d’une aventure qui fit palpiter plus d’un cœur de lecteur. Le 26 novembre 2015, le monde entier commémorait le 150ème anniversaire de cette petite fille et de ses merveilleuses aventures. Par manque de temps, nous n’avons pas pu rendre hommage à cet événement littéraire comme on l’aurait souhaité, mais qu’à cela ne tienne ! Pour nous rattraper, nous allons passer le mois de janvier à célébrer le Non-Anniversaire de la blondinette la plus célèbre au monde et de son lapin plutôt pressé !
Joyeux Non-Anniversaire Alice !
Pour tous ceux et celles qui débarquent sur notre site, je vais répéter plus fort : J’ADORE Alice au pays des merveilles. Je ne vous parle pas que du livre, mais de l’univers dans lequel évolue Alice, et il faut dire que c’est un vaste univers merveilleux. Alice est l’héroïne de tout un siècle, celle qui a su traverser le temps pour inspirer mon(des) et merveilles.
Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais l’univers que Lewis Carroll a créé, il y a 150 ans de cela, est présent dans notre quotidien de manière aussi subtile que magique. Laissez-moi donc vous montrer à quel point.
Le premier domaine d’influence que je vais vous présenter est le plus évident : il s’agit bien entendu de la littérature !
Lewis Carroll ne s’imaginait certainement pas qu’en créant les aventures d’Alice, cela allait changer à ce point la littérature de jeunesse et que cela allait inspirer un bon nombre d’auteurs. Depuis 150 ans, nous, lecteurs, surfons donc de références en références, parfois même sans nous en rendre compte.
Oh, du surf, du surf !
Les universitaires ont un mot pour cela : l’intertextualité. Un bien gros mot pour désigner simplement les clins d’œil et autres références faits par un auteur envers un autre texte. Il faut également dire que l’intertextualité est la base de notre littérature. Inconsciemment ou non, tous les auteurs s’inspirent de ce qui a été créé avant eux, soit pour s’en éloigner, soit, au contraire, pour leur rendre hommage. Mais assez parlé de théorie, revenons à la réalité !
Alice au pays du nonsense :
Avant la parution des Aventures d’Alice au pays des merveilles, la littérature pour enfants en Angleterre était bien fade. Tous les textes sans exception devaient participer au bon développement, social et psychologique, des enfants. Ils n’avaient pas vocation à divertir mais à instruire. Ne rêvez pas, c’était exactement la même chose en France.
Régie par la morale victorienne des années 1865, la littérature de jeunesse n’offrait que peu de chance aux enfants de penser par eux-mêmes. Mais Alice vint changer la donne avec ses aventures hautement irrévérencieuses pour l’époque. Jamais auparavant, les héros n’avaient été pensants, et jamais auparavant un livre qui s’adressait aux enfants n’avait oublié d’inclure une morale instructive. Pourtant, en présentant son texte, Lewis Carroll l’avait décrit comme étant un « conte de fées ». Ce fut un des nombreux pieds de nez (pour être polie) que fit l’auteur aux adultes de son temps. Ni le premier, ni le dernier.
Réaction des victoriens de l’époque ~ allégorie
Car, si Les Aventures d’Alice au pays des merveilles étaient destinées aux enfants, le récit et le style de narration font un véritable pied de nez à la morale victorienne. Satire du système éducatif avec les poèmes détournés, ou satire de la société bourgeoise, figée dans une complaisance rigide, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles sont tout ça et plus encore.
Pour arriver à exprimer ces différentes critiques envers une société qui ne le comprenait pas, Lewis Carroll s’est juste « contenté » d’en écrire l’opposé et d’en retirer toute logique. Pour cela, rien de mieux que le « nonsense ».
Véritable courant littéraire à part entière, le nonsense n’est pas moins considéré comme une forme d’humour liée à l’absurde. Il est par ailleurs très difficile de définir le nonsense avec des termes précis. Il ne suffit pas, par exemple, pour écrire du nonsense de décrire un monde à l’envers, ou il ne suffit pas d’ôter la logique d’un monde pour tomber dans le nonsense. Cela dépend aussi de l’intensité de l’écriture ou de la sensibilité de chacun. Toujours est-il qu’il existe bien un terme français pour décrire ce genre littéraire : le non-sens (c’était assez évident :p ), mais il est, à mes yeux, trop restrictif (il désigne uniquement ce qui ne fait pas sens) pour représenter un texte et un monde aussi riches qu’Alice au pays des merveilles.
Attends Alice, je n’ai pas fini …
Le nonsense est apparu au monde entier avec Alice au pays des merveilles mais il n’a pas disparu depuis. De nombreux auteurs s’inspirent encore de ce genre littéraire rendu célèbre par Carroll. Parmi eux, vous reconnaîtrez certainement Eugene Ionesco, qui est au programme scolaire dans notre pays depuis bien des années. La pièce de théâtre Rhinocéros (1959) est celle que j’ai dû étudier en classe, mais il en existe bien d’autres du même auteur.
Côté littérature pour enfants, on est également gâté ! Voici les plus grands représentants actuels du nonsense jeunesse :
- Edward Lear : Au début du 19ème siècle, Edward Lear est passé maître dans l’art du nonsense, et plus particulièrement dans l’art des petits poèmes absurdes que l’on nomme limerick, à la plus grande joie des enfants. Ce n’est qu’en 1998 qu’on le découvre en France avec un livre au titre plus qu’évocateur : Nonsense. Depuis, la France tente régulièrement de nous faire connaître son nonsense.
L’Homme qui voulait apprendre à marcher aux poissons
Un livre a-sensé (édition bilingue)
- Dr Seuss : Le Dr. Seuss est ultra connu outre manche. Malheureusement, sa réputation ne traversa que très peu l’Atlantique. Quel gâchis ! Avec des personnages hauts en couleurs et complètement loufoques, les aventures du Dr Seuss (qui était autant médecin que vous et moi) rappellent sans nul doute celles d’Alice. Quelques adaptations de ses livres ont néanmoins percées en France, ou pour certaines elles ont tenté de le faire.
Comment le Grinch a volé Noël ….
… plus connu sous sa forme cinématographique.
Le Lorax …
… ou une tentative cinématographique.
- Shel Silverstein : Dessinateur d’albums pour enfants, Shel Silverstein est aussi connu outre-manche pour avoir écrit plusieurs chansons nonsense à succès. Car oui, le nonsense a désormais quitté le monde littéraire pour s’attaquer aux autres domaines artistiques de notre monde. Si le nom de Silverstein vous est inconnu, vous devriez néanmoins reconnaître certaines de ses œuvres, dont quelques-unes sont sorties de manière posthume en France.
Le Petit bout manquant
On a toujours besoin d’un rhinocéros chez soi
Le Bord du monde
- Roald Dahl : C’est l’auteur jeunesse le plus connu du monde actuellement. Mais ce n’est pas un auteur que l’on qualifie souvent d’auteur nonsense. Cependant, je ne peux m’empêcher de trouver dans son humour, parfois absurde, des traces de l’écriture de Lewis Carroll !
Un conte peut en cacher un autre
Le Doigt magique
Il est à noter que ces auteurs (hormis Roald Dahl) et leurs ouvrages sont beaucoup plus connus outre manche qu’en France, et c’est, à mon sens, assez dommage.
Alice au pays de la modernité :
150 ans d’existence, et pourtant Alice a toujours la côte. Une réédition par an, c’est un absolu minimum pour la plus célèbre blonde d’Angleterre (juste devant Diana ^^). Des éditions scolaires, pour enfants, pour adolescents, en format album, roman, bande dessinée, en anglais, en français ou en des centaines d’autres langues, il y a forcément un Alice fait pour vous !
Son engouement est tel que de nombreux auteurs/dessinateurs décident de se frotter au monde des merveilles en y ajoutant un peu de leur grain de sel. Rapide (et petit) tour d’horizon de ce qui a attiré notre œil ces derniers temps :
- Benjamin Lacombe : très connu du grand public pour son coup de crayon aussi impressionnant que précis, Benjamin Lacombe est la nouvelle coqueluche de la littérature jeunesse. Travaillant en collaboration avec les éditions Soleil (pour leur collection Métamorphose), il nous a offert en 2015, une superbe réédition des aventures d’Alice. Garni de ses illustrations magnifiques et augmenté de textes et poèmes originaux, ce livre est un véritable bijou. Et puisqu’il trône fièrement dans ma bibliothèque, il fera sûrement l’objet un jour d’un article à part entière.
Alice au pays des merveilles …
… vu par Benjamin Lacombe.
- Rebecca Dautremer : En 2010, l’illustratrice préférée de Loulou s’est associée à Gauthier Languereau pour réaliser les dessins de la nouvelle édition d’Alice au pays des merveilles. Le résultat en est époustouflant, la poésie du texte se mariant superbement avec la poésie du pinceau de Rebecca Dautremer. Son travail sur le texte de Carroll lui a d’ailleurs valu l’honneur d’être sélectionnée par le Salon du Livre de jeunesse de Montreuil en 2015 pour participer à l’exposition commémorative des 150 ans du Lapin Blanc & cie (notre épopée à ce salon est à retrouver par ici).
- Anthony Browne : Anthony Browne est un auteur américain phare des éditions de l’Ecole des loisirs. Ses albums sont par ailleurs très prisés par les enseignants et les bibliothécaires. Loulou & Moi avons eu la chance de rencontrer ce grand illustrateur en 2014 au Salon du Livre de jeunesse de Montreuil (article par ici), et c’est en fouinant dans ses albums que je suis tombée sur une représentation d’Alice aux pays des merveilles. Novice en album, Loulou a dû m’expliquer que M. Browne avait lui aussi illustré une réédition d’Alice au pays des Merveilles. En 2003, pour être très précise. Anthony Browne a également eu la chance de participer à l’exposition commémorative au Salon du Livre de jeunesse de Montreuil.
Alice au pays des merveilles vu par Browne
Je ne pense pas m’avancer beaucoup en disant qu’il y a autant d’éditions d’Alice aux pays des merveilles qu’il y a d’illustrateurs dans le monde. C’est un poil exagéré je le sais, mais juste un poil. Chaque illustrateur apporte un nouveau regard sur l’œuvre de Carroll, son regard. Aux lecteurs d’adhérer ou non. Seulement, il existe assez « d’Alice » dans le monde pour trouver celle qui fera battre son cœur.
Quelques autres rééditions qui nous ont fait de l’oeil (A travers le miroir de Lotfish)
Mais tout n’est pas que réédition, il existe également d’autres auteurs qui, s’inspirant des aventures, les réécrivent ou s’en inspirent. C’est le cas de :
- Alice au pays des zombies de Gena Showalter. Depuis la couverture jusqu’au résumé en passant par le titre, tout respire l’hommage, certes moderne, aux aventures d’Alice au pays des merveilles. Ce n’est plus vraiment le pays des merveilles qu’Alice va trouver mais le pays des cauchemars peuplé de monstres assoifés de sang …
Alice au pays des zombies (tome 1)
- Le Pays des contes de Chris Colfer. Je vous ai déjà parlé de ce livre ici mais j’ai omis de vous parler des petits clins d’œil à Alice au pays des merveilles. Outre la chute des jumeaux décrite d’une manière similaire à la célèbre chute d’Alice, le tome 5 des aventures de Conner et Alex nous transporte à la fois dans le monde d’Oz et le monde des merveilles. Attention toutefois à ce qu’ils n’en perdent pas la tête.
Le pays des contes (tome 5)
Voici venir la fin de cette première partie consacrée à l’influence d’Alice au pays des merveilles dans le monde artistique. J’espère que le voyage vous aura plu ! En tout cas, restez connectés avec nous, puisque la semaine prochaine, Alice va nous apprendre à buller !
Bonne lecture les cocos !