Des poches dans la poche janvier 2016

Par Marie-Claude Rioux

C'est le temps des poches du mois. Quelques romans que j'ai beaucoup aimés arrivent en format poche. Si les grands formats vous sont passés sous le nez, ça pourrait vous intéresser! Un petit résumé des quatrièmes de couverture et, s'il y a lieu, le lien vers mes billets.RETOUR À WATERSBRIDGE – JAMES SCOTT – POINTS SEUILHiver 1897. Une sage-femme regagne sa ferme dans le nord de l'État de New York, chargée de cadeaux pour les siens. L'y attendent les corps ensanglantés de son mari et de ses enfants gisant dans la neige. Seul Caleb, 12 ans, a échappé au massacre: il a tout vu de la grange où il s'était réfugié parmi les animaux. Mère et fils abandonnent ce qu'il reste de leur foyer pour s'engager au cœur d'une contrée hostile et glacée à la poursuite des trois tueurs aux foulards rouges. Au fil de la traque, traversée d'épisodes d'une violence sèche et brutale contrastant avec la luminosité et le silence des étendues poudreuses, on comprendra que leur soif de vengeance repose sur une imposture…Le mensonge, le poids du péché et la nature des liens du sang sont les catalyseurs troublants de cette équipée sauvage doublée d'un roman d’apprentissage.AUCUN HOMME NI DIEU – WILLIAM GIRALDI – J’AI LU«Le premier enfant disparut alors qu'il tirait sa luge sur les hauteurs du village. Sans un bruit - nul cri, d'homme ou de loup, pour témoin.» Quand Russell Core arrive dans le village de Keelut, la lettre de Medora Slone soigneusement pliée dans la poche de sa veste, il se sent épié. Dans la cabane des Slone, il écoute l'histoire de Medora: les loups descendus des collines, la disparition de son fils unique, la rage et l'impuissance. Aux premières lueurs de l'aube, Core s'enfonce dans la toundra glacée à la poursuite de la meute. Aucun homme ni dieu nous entraîne aux confins de l'Alaska, dans cette immensité blanche où chaque corps qui tombe, chaque cri, semble absorbé par la splendeur silencieuse de la nature. Un roman envoûtant, poétique, inoubliable.
911 – SHANNON BURKE – 10/18Lorsqu'il devient ambulancier dans l'un des quartiers les plus difficiles de New York, Ollie Cross est loin d'imaginer qu'il vient d'entrer dans un monde fait d'horreur, de folie et de mort. Scènes de crime, blessures par balles, crises de manque, violences et détresses, le combat est permanent, l'enfer quotidien. Alors que tous ses collègues semblent au mieux résignés, au pire cyniques face à cette misère omniprésente, Ollie commet une erreur fatale: succomber à l'empathie, à la compassion, faire preuve d'humanité dans un univers inhumain et essayer, dans la mesure de ses moyens, d'aider les victimes auxquelles il a affaire. C'est le début d'une spirale infernale qui le conduira à un geste aux conséquences tragiques. Dans un style viscéral, Shannon Burke prend littéralement le lecteur à la gorge et nous livre un portrait de la condition humaine digne d'Hubert Selby Jr ou de Richard Price.DU CÔTÉ DES POLARS...UNE DISPARITION INQUIÉTANTE – DROR MISHANI POINTS SEUILOfer Sharabi n'est pas rentré de l'école. Le commandant Avraham Avraham, alerté par la mère d'Ofer, n'est pas plus inquiet que ça: les adolescents fuguent volontiers. Quelques jours plus tard, après l'enquête de routine et une battue infructueuse dans le quartier de Holon où vit la famille Sharabi, il faut se rendre à l'évidence: il s'agit bien d'une «disparition inquiétante». Le policier, rongé par ses problèmes existentiels, est loin d'aborder l'affaire avec sérénité et lucidité. Il n'a même pas repéré le comportement étrange de Zeev, le voisin prof d'anglais qui donnait des cours particuliers à Ofer. Dans cette banlieue modeste de Tel-Aviv, chacun a quelque chose à cacher. Et Avraham Avraham se révèle être un enquêteur des plus atypiques. Il faut dire qu'en Israël, selon lui, les tueurs en série, les enlèvements sordides ou autres crimes spectaculaires, ça n'existe pas. Une disparition inquiétante, premier titre d'une série traduite dans une quinzaine de pays, ne ressemble à aucun autre ouvrage du genre: le suspense oppressant, la construction singulière et la subtilité de l'analyse psychologique le placent d'emblée parmi les incontournables.LES NUITS DE REYKJAVIK – ARNALDUR INDRIDASON - POINTS SEUILErlendur le solitaire vient d'entrer dans la police, et les rues de Reykjavik dans lesquelles il patrouille de nuit sont agitées: accidents de la circulation, contrebande, vols, violences domestiques… Des gamins trouvent en jouant dans un fossé le cadavre d'un clochard qu'il croisait régulièrement dans ses rondes. On conclut à l'accident et l'affaire est classée. Pourtant le destin de cet homme hante Erlendur et l'entraîne toujours plus loin dans les bas-fonds étranges et sombres de la ville. On découvre ici ce qui va faire l'essence de ce personnage taciturne: son intuition, son obstination à connaître la vérité, sa discrétion tenace pour résister aux pressions contre vents et marées, tout ce qui va séduire le commissaire Marion Briem. En racontant la première affaire d'Erlendur, le policier que les lecteurs connaissent depuis les premiers livres de l'auteur, Arnaldur Indridason dépasse le thriller et écrit aussi un excellent roman contemporain sur la douleur et la nostalgie. Un livre remarquable.DERNIER MEURTRE AVANT LA FIN DU MONDE – BEN H. WINTERS – 10/18Concord, New Hampshire. Hank Palace est ce qu'on appelle un flic obstiné. Confronté à une banale affaire de suicide, il refuse de s'en tenir à l'évidence et, certain qu'il a affaire à un homicide, poursuit inlassablement son enquête. Celle-ci n'a pourtant pas grand intérêt dans la mesure où, d'ici à six mois, Hank sera mort. Comme tous les habitants de Concord. Et comme tout le monde aux États-Unis et sur Terre. Dans six mois en effet, notre planète aura cessé d'exister, percutée de plein fouet par 2011GV1, un astéroïde de six kilomètres de long qui – les scientifiques sont formels – la réduira en cendres. Aussi chacun, désormais, se prépare-t-il à sa façon au pire. Dans cette ambiance pré-apocalyptique, où les marchés financiers se sont écroulés, où la plupart des salariés ont abandonné leur travail, où certains se livrent aux pires excès possibles tandis que d'autres mettent fin à leurs jours, Hank, envers et contre tous, s'accroche. Il a un boulot à terminer. Et rien, pas même l'apocalypse, ne pourra l'empêcher de mener son enquête à son terme. Premier volume d'une trilogie aux prémisses résolument inédites, Dernier meurtre avant la fin du monde, est LE polar de l'apocalypse. Que ferions-nous, que ferions-nous réellement si nos jours étaient comptés? 

Le deuxième tome de cette trilogie paraîtra en février, et le troisième tome, en septembre.Et il y a ceux dont j'attendais la parution en poche…DEEP WINTER – SAMUEL W. GAILEY – GALLMEISTERDanny ne sait pas quoi faire du cadavre qu'il vient de découvrir. Ce corps, c'est celui de Mindy, sa seule amie dans la petite ville de Wyalusing, en Pennsylvanie. Depuis la tragédie survenue dans son enfance qui l'a laissé orphelin et simple d'esprit, tous les habitants méprisent Danny, le craignent et l'évitent. Aux yeux du pourri qui sert de shérif adjoint à la ville, Danny est le coupable idéal pour ce crime. Alors en quelques heures, l'équilibre précaire qui régnait jusqu'ici à Wyalusing va chavirer. Dans cette Amérique des laissés-pour-compte, les vingt-quatre heures de traque du plus inoffensif des habitants vont exposer au grand jour la violence qui gît sous l'eau qui dort.AU BONHEUR DES ÎLES – BOB SHACOCHIS – GALLMEISTERParadis de solitude ou société en miniature, les îles de ce recueil se disputent le statut de territoire pour naufragés. Il y a d'abord cet Américain, expatrié dans les Caraïbes, qui se retrouve à devoir conserver sa mère décédée dans la chambre froide de son hôtel. Et aussi ces deux insulaires qui, malgré eux, fomentent un début de révolution. Sans parler de ce trafiquant de drogue pourchassé par la police, qui plonge dans l'océan avant d'être sauvé par un bateau rempli de réfugiés. Tous affrontent ici des mers incertaines. Lauréat du National Book Award, ce premier livre de Bob Shacochis raconte, avec réalisme et un humour parfois grinçant, l'envers de la vie sous les tropiques.LE CHOIX DES MORRISON –  MARY LAWSON – 10-18Crow Lake, au nord de l'Ontario, une terre magnifique et rude où vit une petite communauté de fermiers régie par une austérité toute presbytérienne qui n'a d'égale que la solidarité s'exerçant en cas de coup dur. Après le décès accidentel de leurs parents, Kate Morrison, sept ans, ses grands frères, Luke et Matt, et sa petite sœur Bo voient leur destin basculer. Si Luke, l'aîné rebelle, renonce à ses études pour s'occuper tant bien que mal de ses cadets, c'est Matt que la fillette idolâtre comme un héros. Matt, porteur de tous les espoirs d'une famille destinée à s'élever par l'instruction, mais avant tout un adolescent fragilisé par la tragédie. Une fois adulte, Kate, professeur de biologie à l'université de Toronto, appréhende son retour à Crow Lake et ses retrouvailles avec Matt. Devenue une étrangère parmi les siens, elle devra affronter les conséquences des choix douloureux faits vingt ans plus tôt...L'AMIE PRODIGIEUSE – ELENA FERRANTE – FOLIONaples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise. Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre. Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances. Formidable voyage dans Naples et dans l'Italie du boom économique, L'amie prodigieuse trace le portrait de deux héroïnes inoubliables, qu'Elena Ferrante traque avec passion et tendresse jusqu'au plus profond de leur âme.