Relire

RelireRelire - Laure Murat
Enquête sur une passion littéraire
Flammarion (2015)
C’est le billet de Keisha qui m'a donné envie de me plonger dans cette enquête.
L’expérience d’un faux souvenir à propos d'une représentation de l’Atys de Lully et sa déception lors de la relecture de Vie et opinions de Tristram Shandy, gentleman de Laurence Sterne ont conduit Laure Murat à s’interroger sur la relecture. Est-ce que relire un livre est à rapprocher de réécouter un disque ou revoir un spectacle ? Que cherche-t-on dans la relecture ? Que relit-on ?
Ses recherches dans la bibliographie existante la laissent insatisfaite, aussi rédige-t-elle un questionnaire et l’envoie-t-elle à 200 « grands lecteurs », écrivains, traducteurs, professeurs, éditeurs. Elle a reçu presque 50% de réponses, par écrit ou de vive voix à l’occasion d’entretiens.
Ce livre se compose de deux grandes parties : la genèse de cette initiative et l’analyse des réponses reçues, dans un premier temps, puis l’auteur rapporte en détail les propos de vingt personnes interrogées. Je dois dire que c’est passionnant de découvrir les pratiques de lecture de gens comme Christine Angot, Agnès Desarthe, Jean Echenoz ou Olivier Rolin, et encore bien d’autres.
Ce qui est formidable dans ce livre, c’est qu’on se retrouve forcément dans ce qui est dit, aussi bien dans l’analyse de Laure Murat que dans les expériences de ceux qui ont répondu.
Ainsi, la pratique de la relecture dans l’enfance m’a-t-elle rappelé des souvenirs personnels. Avant de fréquenter assidument une bibliothèque, je relisais en boucle les livres qui m’appartenaient, en attendant les nouveautés qui arrivaient pour Noël ou les anniversaires.
La question de savoir pourquoi les jeunes enfants sont si friands de relecture m’a rappelé ces moments passés avec mes enfants, à lire et relire toujours les mêmes histoires, jusqu’à ce qu’ils connaissent le texte par cœur. Et pas question de changer un mot ou d’expédier l’histoire, afin d’en finir plus vite, les soirs de grosse fatigue ou d’envie de passer à autre chose !
En revanche, je n’ai pas de souvenirs de ma mère nous faisant la lecture. Est-ce qu’elle n’aimait pas nous lire d’histoires et que c’est pour cela qu’elle m’a appris à lire très tôt ?
Dans leurs réponses, Agnès Desarthe et Jean Echenoz évoquent les Impromptus de Schubert. Agnès Desarthe en parle à propos d’un livre-disque qui racontait Alice au pays des merveilles, sur fond de musique de Schubert. J’avais ce livre-disque et c’est ainsi que j’ai découvert ce texte et cette musique, que je ne peux réécouter sans entendre, venus de ma mémoire, les appels d’Alice à Monsieur Lapin ! 
Certains font de la relecture à l’envers, c’est-à-dire qu’ils ont découvert une œuvre par morceaux, avant de la lire par la suite dans son intégralité, tel Jean Echenoz à propos de La recherche du temps perdu. Personnellement, c’est ce qui m’arrivera un jour avec Les Misérables, de Victor Hugo. Je n’en ai lu que des extraits, dans des éditions pour enfants dans la bibliothèque Rouge et Or, comme Cosette ou Gavroche. Le jour viendra où je découvrirai l’œuvre dans son ensemble.
Marcel Proust se place en tête des auteurs qui font l’objet de relecture, ce qui n’est pas étonnant, suivi par Flaubert, cité par de nombreux écrivains comme un moteur d’inspiration pour leur propre travail.
Quelques citations extraites des réponses des personnes interrogées :
A la question « Relisez-vous parce que vous avez oublié un livre, ou parce que vous vous en souvenez ? », Philippe Forest, dont les propos sont particulièrement intéressants et remplis d’humour, répond « Parce que je me rappelle l’avoir oublié. ». (page 184)
Linda Lê : Relire, à mon sens, permet aussi de mettre en parallèle plusieurs textes d’un même auteur, et d’avoir une vue d’ensemble de l’œuvre. (page 229)
J’ai expérimenté moi-même ce phénomène avec les livres d’Alison Lurie, qui au fil de son œuvre, met en scène les mêmes personnages, à différentes époques de leur vie, à travers leur filiation. C’est la relecture qui m’a permis de découvrir cela, car j’avais lu ses romans à des moments trop éloignés les uns des autres pour m’en apercevoir d’emblée.
A noter que les habitudes de relecture s’expriment aussi vis-à-vis des traductions. Certains vont toujours relire la même traduction d’un roman étranger alors que pour d’autres, au contraire, il n’y a qu’une nouvelle traduction qui pourraient les inciter à relire une œuvre étrangère.
Vous l’aurez compris, j’ai été passionnée par ce livre de Laure Murat, plein de ressources pour qui aime relire, et c’est mon cas. Il y a quelques années, je me programmais tous les ans un challenge Relectures. Je l’ai abandonné à tort et la lecture de ce livre m’a donné envie de renouer avec cette pratique, maintenant que j’ai davantage de temps libre !
J’ai juste un bémol à exprimer par rapport à l’index des noms, fourni à la fin du livre. Le roman Jane Eyre est attribué à tort à Jane Austen au lieu de Charlotte Brontë. Comment cette erreur a-t-elle pu échapper à l’œil de plusieurs personnes impliquées dans la réalisation de ce livre ?
Les billets de Keisha, Clara et Dominique qui a aussi interrogé les blogueurs sur leurs habitudes de relecture pour poursuivre sur le sujet.