Un peuple se suicide…, par Alain Gagnon…

Par Chatquilouche @chatquilouche

Une amie m’écrivait hier pour me confier que, cette année, elle hésitait à ajouter les termes Joyeux Noël à ses vœux électroniques et postaux. Question de respect des autres…

Je ne vous rapporte pas textuellement ce que je lui ai répondu : je m’efforce de conserver un ton poli à ce blogue.

Mais en substance : au Québec, beaucoup croient que, respecter l’autre, c’est se nier. Au contraire, le respect et l’affirmation de soi sont des prérequis au respect véritable des autres — non ce respect soumis qu’on accorde par mollesse et couardise.
Si j’invite quelqu’un chez moi, je respecterai les règles de l’hospitalité. Je ne lui offrirai pas d’aliments ou de boissons qui vont à l’encontre de ses croyances ou de sa santé. Par contre, en ce qui me concerne, j’ai bien l’intention de boire et de manger selon ma nature, sans me priver, sans rien cacher.

Ce peuple québécois inquiète. Il ne veut plus vivre. Il cède à tous et à tout.  Il ne se reproduit plus. Culturellement, il jette tout par-dessus bord, avant même que les nouveaux arrivants, souvent étonnés, n’aient formulé d’exigences à ce sujet. Pourquoi ? Tous les peuples ont besoin d’une mythologie qui assure leur cohésion et la nôtre, judéo-chrétienne – prononcez le mot avec dédain –, vaut bien celles de beaucoup d’autres pour expliquer ce qui échappe à la raison.  Nous ne sommes peut-être plus majoritairement pratiquants, mais ce fondement demeure la base de nos valeurs individuelles et collectives.

Quelqu’un me disait : — Ah ! C’est l’effet de la Conquête britannique !
Nous n’avons jamais été conquis. Des puissances européennes impérialistes se menaient une guerre. Nous avons connu ici des batailles perdues ou gagnées. À la fin, il y a eu traité, et nos premiers maîtres nous ont échangés. Nous sommes alors passés d’une couronne à l’autre. Déjà, hormis la langue, nous étions peu Français.
Nous avons survécu comme entité ethnique en faisant des enfants d’abondance et en nous accrochant aux traditions. Puis, nous avons connu des instants de progressisme fier – la Révolution dite tranquille : que s’est-il passé depuis pour que nous ayons maintenant peur de ce que nous sommes et honteux de qui constitue notre réalité intime ?

Ce peuple se suicide. Et se complaît dans les puérilités du genre : « C’est la faute de… »

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).