Le synopsis
La triomphante raconte la vie d'une femme qui a passé son enfance en Egypte, avant de s'exiler et de s'installer avec ses parents en Italie, puis de venir vivre en France, parvenue à l'âge adulte.
Mon avis
Voici un roman fluide, qui présente de nombreuses qualités.
C'est d'un récit de vie qu'il s'agit, car l'on suit la narratrice depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse, et l'écriture est agréable, ce qui est un premier point positif.
Au-delà de cela, la personnalité de la narratrice est intéressante : il s'agit d'une femme relativement libre, instruite, autonome, qui traverse la vie sans avoir conscience de sa condition de femme par exemple, comme elle l'explique dans le passage relaté plus bas (voir "Morceaux choisis"), ou encore sa judéité.
L'exil d'Egypte a retenu toute mon attention : les parents de la narratrice décident de s'établir en Italie, le père ayant un passeport italien, et la mère, un passeport britannique. Autour d'eux, leurs connaissances se disséminent en Suisse, au Canada, là où les frontières ne leur sont pas fermées.
Adulte, la narratrice quitte l'Italie et s'installe en France, où elle devient une figure montante puis la directrice de l'entreprise dans laquelle elle travaille.
L'épisode relatif à sa demande de naturalisation m'a marqué : elle y met en relief toute l'angoisse liée à la possibilité d'un refus, et tout ce qu'il y a de logique et d'affectif dans cette demande, des éléments que l'on n'a pas forcément en tête lorsque l'on considère cette question d'un point de vue macroéconomique (en cela, j'ai pensé aux Echoués de Manoukian, où une question largement discutée dans le cadre du débat politique était présentée sous un angle humain, à l'échelle des individus dont le sort est scellé par les décisions prises sur le sujet).
Je dirais donc que La triomphante est un récit coulant, l'histoire d'une femme qui a connu une période singulière de l'histoire, conduisant sa famille à l'exil, mais elle est aussi, comme elle le dit elle-même, une personne qui n'aura pas changé le monde, qui n'aura pas eu d'impact majeur, une personne ordinaire à certains égards, qui aura seulement beaucoup regardé le monde, et c'est de ce regard que nous parle le roman.
Pour vous si...
- Vous aimez les personnages un peu rétro, un peu comme dans Goolrick, mais moins sordides quand même
- Vous ne vous ennuyez pas en lisant la vie des gens normaux, ceux qui n'accomplissent pas d'actions d'éclat, mais qui mènent leur vie au gré des événements historiques qu'ils subissent et qui les forcent à s'adapter
Morceaux choisis
"Depuis longtemps j'avais pris conscience que chaque pas en avant, chaque étape réussie, resserrait l'éventail des possibles. Chaque fois que la cible était touchée, je renonçais à des milliers d'autres choses et m'éloignais de ce que j'avais cru être un destin."
"Longtemps je n'avais pas compris que le fait d'être une femme était comme on dit un handicap ; je ne m'étais nullement attardée sur l'évidence qu'il était difficile d'envisager un destin à la Lawrence d'Arabie en étant de sexe féminin. Je n'avais d'ailleurs eu aucune alerte à ce sujet. Mes parents ayant oublié de m'interdire quoi que ce soit, je n'avais jamais de ma vie entendu dire que je ne pouvais pas entreprendre quelque chose parce que j'étais une fille."
"Mon cher amour,
Je souhaite être incinérée (après ma mort, naturellement).
Gaby"
" "Et dernière chose, n'oublie pas petite", il mima Humphrey Bogart : "les forts ont plus que les autres besoin d'être protégés". "
Note finale3/5(cool)