Post mortem, un texte de Luc Lavoie…

Par Chatquilouche @chatquilouche

Dans le silence et la solitude d’un fin rayon de lumière, les cadavres aux sourires idiots marinent au sous-sol. L’odeur y est insoutenable, mais les insatiables affamés dévorent…

Les diptères, ces sales bestioles ; mouches vertes et bleues, auront trouvé terreau fertile pour la ponte. Dans les bouillons et les gargouillis répugnants, bientôt les larves naissent, puis se nourrissent. Elles sont, tels les croque-morts ; oiseaux de mauvais augure. Elles entonnent un air putride. Chantent en chœur la décomposition. Dansent dans un tourbillon malsain. Peuplades visqueuses et révulsives. Troupes d’acteurs sur une scène rongée où les bides morts deviennent les instruments inertes d’une cadence infernale.

Léthargie animée. Descente vers les profondeurs. Bal des pourritures.

Vermines rampantes au resto. À table. Là s’anime la décrépitude dans la pénombre des lendemains. Les asticots grignotent dans les orbites. Engeance malsaine qui charrie, consomme et digère ces plats savoureux. Un dîner de viande froide ? Encore un peu de foie ? De cervelle ? Le Tartare se tarit. Matière immobile et flasque qui tombe en lambeaux. Sang coagulé. Corps bleuis, enflés. Nauséabonds. Villes et cités lugubres d’un temps d’effervescence éphémère, propice au développement excessif ; à la vie trépidante dans les miasmes urbains. On passe, on dépasse. On trépasse. Moments frétillants voués à l’intemporalité finie des abîmes. Cortège des avaleurs aux appétits gargantuesques qui mastiquent dans la solitude des espaces… Oasis périssables des immondices.
Blattes, scarabées, charançons, rats et vers repoussants ; citadins étranges de quartiers incertains ; zones hautement peuplées où on circule et s’affaire sur des autoroutes osseuses. Les excavateurs se déplacent dans les fosses et les rampants progressent dans les trachées. À l’intérieur de tunnels œsophagiques, fragiles d’une architecture en décrépitude constante, l’affaissement et le glissement des tronçons sont chose commune. Dans ces ruelles incertaines, univers des organes gisants à ciel ouvert, il y a des kilomètres de voies de contournement à franchir. Les légions rouges et noires vagabondent à travers la porosité des cavernes aux parois inertes… Que de chair à excaver ! De résidus à transporter. Les équipes de dépeceurs sont au travail. Fouisseurs et exciseurs sont à l’œuvre sur des chantiers en déclin. Ils se vautrent dans la mort exquise.

Dents allongées, mandibules tranchantes, bouches broyeuses et trompes poilues. Tous sont là pour prendre part au festin. Les convives s’en donnent à cœur joie. Pour que rien ne se perde.
Quand viendra enfin le dernier jour, voraces, les videurs n’auront laissé que peu de chose derrière eux. Que contrées désertes, de carcasses en arêtes, squelettes jaunis par le temps et la poussière. Que paysages d’immobiles dépouilles où les incessants courants d’air des jours et des nuits traverseront encore agglomérations d’agrégats et charpentes. D’ossatures lisses à faire frémir. Ruines et débris sans subsistance. Instantané des victimes du temps qui passe. Dureté de l’éphémérité des éléments. Qu’absence des regards. Que deux trous béants dans des crânes vides. Qu’un bras allongé. Sa main ouverte sur le plancher, l’index recourbé ; doigt nu qui traverse la gâchette d’un révolver rouillé Smith & Wesson. 38 spécial recouvert d’une toile d’araignée tendue parmi quelques détritus.
Plus qu’un vent glacial qui lève, un coup de fouet au dos de la quiétude des éternités de ce que furent autrefois ces deux corps habités d’une vie.

Pour le meilleur, mais également pour le pire…

Luc Lavoie © tous droits réservés, 2013

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)