Caroline et son mari Joshua Fielding ont été conviés chez les Netheridge, dans un village perdu en pleine campagne, à Whitby, pour apporter leur soutien à miss Alice qui monte sa première pièce de théâtre, adaptée du roman de Bram Stoker, Dracula, paru un an plus tôt. Le père est en effet soucieux de la réputation de sa fille et entend préserver son nom d'une humiliation publique après la représentation prévue pour la veillée de Noël. Car ses craintes sont tout à fait légitimes : pour l'heure, l'adaptation est hasardeuse, la mise en scène chaotique et les acteurs, éteints, ne donnent aucun souffle à la pièce. Le fiasco semble confirmé. Sur ces entrefaites, un voyageur égaré se présente à la porte et est introduit avec déférence dans le salon des Netheridge. L'homme, de belle prestance, est également bien mystérieux avec son costume noir et sa mine pâle. Mais son arrivée ragaillardit l'assemblée neurasthénique. L'inconnu fait également preuve d'aisance sur le mythe du vampire et a une connaissance prodigieuse du théâtre. Son regard est percutant, ses conseils précieux. La pièce s'en trouve métamorphosée. Et Alice tombe sous le charme de cet Anton Ballin, au grand mécontentement de son fiancé attitré, Douglas Paterson. Dans cette demeure bourgeoise, coupée du reste du monde, à cause d'une tempête de neige, l'ambiance ne cesse de s'apesantir et miner les esprits. Caroline a hâte d'en sortir, quand le drame finit par s'abattre. Le climax survient assez tardivement dans l'histoire, mais on passe tout de même un agréable moment avec Caroline Fielding - la mère de Charlotte Ellison Pitt - qui ne cache rien de son changement de vie, lourd de conséquences. Que de chemin parcouru ! Aujourd'hui elle s'inspire des méthodes de son gendre, inspecteur de police, pour éclaircir un crime sordide, accompli exprès pour semer le trouble dans la tête d'une assistance fragile et émue. C'est toujours un plaisir de renouer avec les romans d'Anne Perry, d'y croiser des personnages fétiches, de s'imprégner ici de l'univers du théâtre et des contes vampiriques. Cela peut paraître inattendu, mais le résultat est d'une grande subtilité et embobine efficacement le lecteur. Un bon cru de la collection.
10x18 Grands Détectives / Novembre 2013 ♦ Traduit par Pascale Haas (A Christmas Homecoming, 2011)