Oldies : superman peace on earth

Par Universcomics @Josemaniette
Le regard qu'il porte de là-haut est presque celui d'un Dieu. Ou d'un surhomme qui est exempt de nos bassesses, car privé de nos peurs, nos faiblesses, nos jalousies. Superman veille sur l'humanité toute entière, sans distinction de races de couleurs ou de genres. Comme lui a enseigné son père adoptif, toutes les graines semées ne pousseront pas, mais l'important est qu'elles aient le temps et la possibilité de se développer, la vie se chargera du reste. Pour un super-héros élevé dans une ferme du Kansas, attaché au travail terrien à la ferme, la faim dans le monde est un phénomène d'autant plus inacceptable que tout sauf inéluctable. Bien souvent les hommes ne mangent pas car ces privations naissent de l'exploitation des nantis sur les plus démunis, de l'ignorance dans laquelle on maintient des populations entières pour mieux les diriger, des enjeux économiques qui étouffent des nations par dizaines... Superman peut-il à lui seul changer le cours des choses? Combattre Brainiac ou Doomsday est une chose, mais rassembler les surplus de blé un peu partout en Amérique pour ensuite le redistribuer aux quatre coins de la planète et assouvir cette horrible tenaille qu'est la faim, ceci est-il vraiment réalisable? L'homme d'acier passe devant le congrès, parvient à convaincre les politiciens, se lance dans une vaste distribution insensée, parcourant les cieux et le globe à une vitesse folle, au mépris des dictateurs et des hommes embrigadés qui le repoussent et ne voit en lui qu'un ennemi, un usurpateur. Il tente d'exister et de lutter contre la peur et le besoin qui transforment d'autres êtres humains en bêtes régies par l'instinct,  que l'appât de la nourriture primordiale aveugle au mépris du danger. Superman est plus que jamais l'étendard du pacifisme et de la justice, qui vole d'un continent à l'autre, et se lance dans une entreprise aussi utopique que titanesque, dans le rôle de l'icône naïve et au grand coeur que la Terre, en fin de compte, ne mérite pas. Un pur chef d'oeuvre que ce Peace on Earth, croyez-moi. 

Le choix de Paul Dini est gagnant; il ne voit pas en Superman un individu comme les autres, caché parmi les habitants de Metropolis, tout occupé à apporter ses reportages au rédacteur en chef du Daily Planet. Mais plutôt comme un demi-Dieu dont le rôle est d'entretenir la flamme de l'espoir, et de montrer le chemin aux hommes lorsque ceux-ci semblent gesticuler dans la pénombre. Certes, indiquer la voie n'est pas de tout repos, et l'erreur est aussi inhumaine. Superman s'engage, mais cela n'est pas pour autant un gage de réussite. Mais l'important finalement, n'est-ce pas d'inspirer, d'initier le changement, qui prendra du temps, et comme la graine du laboureur, aura au moins une chance de prospérer, et donner ses fruits. Alex Ross est dans une forme olympique au dessin. Il choisit un style plus pictural que jamais, figeant pour l'éternité les gestes épiques et les efforts héroïques de Superman, sous l'influence des grands maîtres de l'art pop hyperréaliste comme Norman Rockwell. Les planches suintent l'émotion, de la première à la dernière, et s'adressent directement à tous les publics, parvenant sans peine à enivrer les amateurs de plastiques parfaites, ceux qui aiment la photographie, et les plus jeunes avides de sensation qui se pâment devant ce héros qui semble réel, vivant, plus que jamais proche et pourtant si loin de nous autres. Les versions originales furent en partie vendues au profit d'une oeuvre de charité, reflétant en cela admirablement bien le ton et le thème de cette aventure hors-norme et saisissante. Où la force et les super-pouvoirs ne servent à rien, ou presque. Que peut un être seul, aussi merveilleux soit-il, face à ce que l'humanité présente de pire, à sa tendance auto destructrice si bien implantée, que la seule solution pour la combattre est de s'attaquer aux racines, et de confier son travail aux futures générations? Même quand Superman est impuissant sur l'instant, il trouve toujours la force pour aller au delà du moment présent, et entretenir le rêve de demain, celui qui germera là où persistera l'amour et l'entraide. Une leçon humaniste que nous devons à un alien; à méditer. Peace on Earth a été proposé en Vf plusieurs fois, comme chez Soleil en 2001, puis Semic (au format kiosque) en 2002. 



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