Janvier 2016,
Je ne sais pas par où commencer, je vais donc simplement vous parler de ce dont je me souviens en premier. Après plusieurs mois d'effort – et non des moindres –, je me suis séparé de ma compagne. Mon amour pour elle ayant malheureusement disparu du jour au lendemain. Un accident de la vie, on ne pouvait rien y faire. On dit souvent que la vie ne tient qu'à un fil, une fois encore, cela s'est confirmé. J'ai conscience de lui avoir fait beaucoup de mal, avant et pendant notre séparation, car rien ne la préparait à cela, mais la situation ne pouvait plus perdurer, nous souffrions trop tous les deux. Il faut aussi que je vous avoue quelque chose : j'ai rencontré une femme. Oui, je sais, vous vous en doutiez. Une autre femme est souvent la cause d'une séparation, blabla et blabla. Non, je vous demande de ne pas me juger trop vite, s'il vous plaît. Ça n'a rien à voir. Je suis tout sauf un goujat. Je l'ai peut-être été par le passé, je ne sais plus. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis tombé amoureux. Je ne lui en ai bien sûr pas parlé. Mon ex-femme étant fragile depuis qu'elle a compris que tout avait changé. Avec elle, je me suis senti seul, très seul. À part elle, je n'avais ni famille ni ami.A qui pouvais-je parler ? Peut-être suis-je un être solitaire finalement ? Et j'ai rencontré Sonia. Une femme magnifique et merveilleuse à la fois, à l'écoute et qui m'a tout de suite compris. Cette femme est absolument unique. Je ne peux vous cacher que cela a pesé dans ma décision finale.Je pense avoir trouvé mon double, ma moitié. Plus jamais seul. Et surtout des souvenirs à construire. Elle, moi, nous, ensemble...
Elle est typiquement mon genre de filles. Je crois avoir déjà rêvé plusieurs fois d'une femme lui ressemblant trait pour trait. Oh oui, parfois les rêves deviennent réalité. Qui le croirait ? La première fois que je l'ai vue, j'ai pensé être victime d'une hallucination : elle était si semblable à la femme de mes rêves, avec ses courbes pulpeuses, mais gracieuses, sa peau caramel et ses longs cheveux bruns lui tombant au creux des reins. Elle était un fantasme irréalisable et pourtant… C'est cette sublime créature qui a osé m'aborder la première à ma plus grande joie. Depuis, nous n'avons pas pu nous détacher l'un de l'autre. Je passe toutes mes nuits à ses côtés. J'ai aussi cette terrible impression de l'avoir toujours connue alors que je ne sais rien d'elle. Pas même son nom de famille, elle me l'a forcément dit, mais j'ai sans doute oublié. Peu importe, je suis pratiquement certain d'avoir rencontré mon âme sœur, celle pour qui bat désormais mon cœur. Depuis le premier jour, nous sommes en complète symbiose, terminant elle-même mes phrases avant que je ne sache ce que je voulais dire. Elle anticipe le moindre de mes désirs avant que je n'en ressente ou n'en exprime le besoin. Je l'adore ! Elle est si prévenante et aimante à la fois. Je vis donc un rêve éveillé depuis plusieurs semaines, gardant pour moi cette magie des débuts, chérissant cet amour partagé. Aujourd'hui, je suis aux anges, elle m'a proposé de passer le week-end chez elle en amoureux. C'est la première fois depuis que nous nous fréquentons qu'elle m'invite à découvrir son environnement qui, j'en suis certain, me plaira autant qu'elle. Elle n'habite pas la porte à côté, et vient donc me chercher en voiture. Nous roulons depuis quelques minutes déjà, quand j'aperçois cette chapelle en face de la route dans laquelle nous nous engageons afin d'accéder à son lotissement, « La chapelle Saint-Clair » comme elle me l'a nommée, ce doux nom chante à mes oreilles une mélodie que j'ai encore une fois l'impression de connaître. Mais que m'arrive-t-il ? Pourquoi suis-je incapable d'ordonner mes pensées, est-ce ça l'amour ? Est-ce ce que l'on ressent quand on tombe éperdument amoureux ? Je n'en doute pas, je suis fou d'elle.
Quand je pénètre dans son intérieur, j'ai comme une impression de déjà-vu. Vous savez, ce sentiment qu'on a tous déjà ressenti un jour, sans doute dû à un dérèglement du cerveau ? —Ça ne va pas mon cœur ? , me demande-t-elle avec un regard lourd d'inquiétude. Je crois qu'en fait, ce regard ne la quitte jamais. Depuis que je la connais, elle semble porter un tel fardeau sur les épaules. Je la sens toujours en proie au doute. Jamais sereine. Cela m'attriste énormément… Je n'ai pas encore réussi à percer ce mystère qui l'entoure, mais ça viendra, il faut laisser du temps au temps, tout est tellement simple et naturel entre nous. —Si, si, j'ai juste eu un flash-back, c'est drôle. —Quel genre de flash-back ?!Cette fois, elle paraît plus apeurée qu'inquiète, je ne comprends pas son changement subit de ton et préfère le prendre à la rigolade pour détendre l’atmosphère. —Je me suis imaginé un court instant te sauter dessus, te déshabiller et te faire sauvagement l'amour sur le canapé.Fatale erreur ! Elle passa par tout un éventail de couleurs : blanc, vert pour terminer sur le rouge quand elle aperçut mon large sourire gentiment moqueur. —Si j'allais d'abord nous servir un petit apéritif, qu'est-ce que tu en dis ? —Ne jamais refuser une honnête proposition, lui lançai-je avec un clin d’œil.
Me retrouvant seul dans le salon, je commençai par me mettre à mon aise quand un objet attira mon attention. Un petit cadre. Une photo d'elle en son centre. Comme dans mes rêves. J'eus l'impression de perdre pied. J'étais certain d'avoir déjà vu cette photo, non, pire que cela ! J'ai déjà vu le moment où cette photo a été prise. Ce n'est pas possible… Je perds la tête, c'est impossible. Suis-je devin ? Voyant ? Je vais devenir riche ! Je vais pouvoir jouer au loto, savoir qui me veut du mal, connaître mon avenir et celui des autres. Mais oui… Tout s'explique ! Non, je deviens fou. Qu'est-ce qui me prend de raconter des âneries pareilles ? Dois-je en parler à Sonia ou va-t-elle me laisser tomber en apprenant mes soucis ? —Je t'ai acheté des olives, je sais que tu adores ça ! — Je ne me souviens pas te l'avoir dit, merci ma chérie. Tu es adorable !
Le week-end se déroula sans encombre bien que je dus m'abstenir de lui parler de ce qui m'ennuyait depuis peu. Je l'avoue, j'avais peur. Très peur. Et puis, après tout, peut-être que je me faisais des idées, que la fatigue reprenait le dessus. Je pris la décision d'aller consulter mon médecin très rapidement pour lui faire part de mes inquiétudes, lui qui m'avait intimé l'ordre de venir le voir au moindre problème. La veille au soir, nous nous étions endormis dans le salon. Je jubilais, car j'avais réussi à me réveiller avant elle, chose qui me permit de me rendre discrètement dans sa chambre, à la recherche d'un endroit où cacher mon fameux présent qui, je l'’espérais la surprendrait et surtout lui ferait grand plaisir. Je ne savais pas où arrêter mon choix. Sur sa table de chevet ? Trop voyant, elle le verrait avant mon départ à tous les coups. Dans son dressing ? Au contraire, là elle ne le trouverait jamais. Dans un tiroir de sa commode ? Tiens, bizarre… Une boîte avec noté Antoine dessus ! Ça ne ressemble pas à un cadeau pour moi, pourtant elle m'interpelle. Elle est usée, mon nom inscrit au marqueur noir sur le couvercle. Dois-je l'ouvrir ? Ce ne serait pas bien si cela ne me concernait pas, et même si cela m'impliquait, ce serait bafouer sa confiance. Bon, je vais sortir d'ici et chercher une autre cachette. Je me dirigeai vers la porte, quand un élan de curiosité me poussa à faire demi-tour et à me précipiter sur la boîte métallique. Et si c'était finalement une malade qui collectionne les Antoine jusqu'à les tuer et y déposer les cendres là-dedans ? N'importe quoi, je délire complètement en ce moment, il faut que j'arrête. Ma pauvre Sonia, si bienveillante à mon égard. Et moi, qui imagine de telles horreurs.
J'hésite une dernière fois devant l'objet de mes doutes. Mes mains ne peuvent s’empêcher de trembler quand je saisis le coffret, je jette un coup d’œil à la porte me demandant si elle va surprendre le délit que je m’apprête à commettre. Balayant cette idée de mon esprit, je soulève le couvercle. Je suis tout d'abord soulagé en découvrant son contenu, elle ne contient ni cendres, ni dents de macchabées. Je ne vais pas finir trucidé par une tueuse en série. Mon deuxième sentiment est la surprise :la première chose que j'aperçois ce sont des photos de moi éparpillées. Comment est-ce possible ? Je crois avoir parlé trop vite. Elle m'a traqué, guetté, c'est une folle qui me suit partout et me photographie sous toutes les coutures ! C'est étonnant, je ne me rappelle pas de ces moments de vie qu'elle a immortalisés, je semble d'ailleurs plus jeune. Quelle horreur ! Je viens d'apercevoir une photo dénudée de moi, comment a-t-elle pu me photographier ainsi ? Et si elle avait trouvé ces photos de moi quelque part ? Non c'est impossible. Mes idées se brouillent, mes tremblements s'accentuent et deviennent incontrôlables, je ne comprends pas ce qui se passe. Mais qu'est-ce qu'elle me cache ? Mon rêve se transforme-t-il en cauchemar ? Je veux me réveiller ! Non, il doit bien y avoir une explication à tout cela. Il faut que je trouve le courage de continuer mon exploration. Prenant une longue respiration pour calmer les palpitations qui rythment mon corps, je découvre une enveloppe. Et je la vois, là en dessous, une autre photo, mais cette fois-ci de nous deux, elle et moi. Sur une plage de sable fin. Comment est-ce possible ? Nous n'avons jamais été à la plage ensemble, nous ne nous sommes jamais retrouvés en maillot de bain ensemble. Je sens mon corps défaillir et vaciller sous le poids du choc. Mes jambes ne me supportent plus. Je prends appui et bascule sur le lit, juste derrière moi fort heureusement. J'essaie de réorganiser mon esprit. Elle me connaît. Elle m'a photographié. On nous a photographiés. J'y suis, je sais, tout s'explique ! Elle a sans doute été une de mes nombreuses conquêtes d'un soir de vacances, je l'ai oubliée, mais pas elle. Elle n'a jamais pu tirer un trait sur moi. Puis elle a tout fait pour me conquérir. Mais non, quelle horreur, je ne veux pas, ça gâche tout, tout était biaisé dès le départ. Elle m'a eu, elle m'a pris entre ses filets. Que suis-je bête ! Je me sens sali, trompé et trahi, tout à la fois. Il faut qu'elle me donne des explications, elle me le doit pour tous les bons moments qu'elle m'a volés. Je tangue vers la porte, avec la boîte à moitié vidée, quand elle s'ouvre devant moi. Sonia rencontre mon regard, descend ses yeux jusqu'à ma main et amorce un mouvement de recul. —Tu as fouillé dans mes affaires ? —Je voulais te faire une surprise, mais c'est toi qui m'as eu. Je suis tombé sur ça. —Oh Antoine, s'il te plaît, écoute-moi, ce n'est pas ce que tu penses ! —Non j'ai très bien compris, c'est pas compliqué à deviner et ça explique pourquoi j'ai toujours eu l'impression de te connaître. Pourquoi ne m'as-tu pas dit que nous avions eu une aventure d'un soir ? Cela te donnait-il le droit de me prendre dans tes filets de cette manière ?? —Euh… je crois que tu n'as… —Non, je n'ai pas envie de t'écouter en fait ! J'y vais, j'ai besoin de réfléchir. —Je peux te ramener au moins ? —Non. Je prendrai le bus.
Je pris mes affaires et claqua la porte. C'est une fois seulement sorti du lotissement, que je me rendis compte que j'avais pris la boite avec moi. Et il était hors de question de retourner affronter Sonia. J'avais surtout envie de parler avec quelqu'un qui me comprendrait. Mais je n'avais plus personne. C'est alors que j'eus le courage de téléphoner à mon ex qui accepta de me voir à mon étonnement. Elle était si gentille malgré le mal que je lui avais fait. J’espérais que je ne la blesserais pas davantage en lui parlant de tout cela, mais j'avais vraiment le besoin de m'épancher et je la savais être très à l'écoute. Adèle m'écouta sans broncher pendant plus d'une heure, alors je lui racontai tout, sans rien omettre. J'ai pu constater qu'elle maîtrisait mieux ses émotions que Sonia, car elle ne laissa rien transparaître sur son visage. Jusqu'à ce que je me taise. Je la vis se prendre la tête entre les mains et pleurer. —Oh, Antoine, si j'avais su... Je t'aurais évité bien du tracas, lança-t-elle entre deux sanglots. —Mais quel est le rapport avec toi ? —As-tu exploré le reste de la boîte ?,dit-elle en reniflant. —Eh bien, non, je n'en ai plus éprouvé le besoin après cette trahison. De toute manière, à part une bague que j'ai aperçue, l'enveloppe dont je t'ai parlé, et les photos, il n'y avait rien d'autre. —Je t'ai toujours su lent du collier, mais là franchement tu m'épates. Montre-moi cette bague ! Regarde ! Elle ne te fait penser à rien ? —Ben non, ça devrait ? —C'est une bague de fiançailles. Regarde l'inscription à l'intérieur. —Sonia et Antoine, 17-04-2014, mais qu'est-ce que ça veut dire ?? —Maintenant, ouvre l'enveloppe, je la reconnais, et lis la lettre que je t'ai aidé à écrire, enfin corriger, il y a quelque temps. —Oh non, ce n'est pas possible. Dis-moi que tout cela n'est pas réel ! —Si Antoine, tu as vécu trois ans avec cette femme, vous avez même été fiancés jusqu'à ce que tu la quittes pour moi. Crois-tu, quand elle a appris ton accident, ton amnésie puis notre rupture, elle a sauté sur l'occasion pour tenter de te reconquérir. Je ne le savais pas. Je ne me doutais absolument pas que tu avais rencontré quelqu'un vu ton état. Je pensais simplement que tu avais besoin de temps et de te retrouver seul pour recouvrer la mémoire. Enfin...Elle s'arrêta comme pour chercher ses mots. —Enfin, jusqu'à ce que je reçoive un message anonyme « La boucle est bouclée ». J'ai tout de suite compris l'allusion, je suis aussitôt passée chez toi, mais tu n'étais pas là ce week-end. Quand tu m'as appelée, j'ai cru que tu avais tout compris.
Alors les amis, que pensez-vous de ce premier essai ?