Proie idéale pour le rexisme, parti d'extrême-droite fondé en Belgique par Léon Degrelle, braillard intarissable, Christian s'égara dans la collaboration et participa activement à une effroyable tuerie.
De son côté, Georges menait la vie de château en Vendée. Livres à succès, femmes et films. Comment se défaire de ce frère encombrant qui allait salir sa réputation?
Christian, se sachant condamné à mort, s'engagea dans la Légion et disparut sans laisser de traces ...
Vous commencez à le savoir, j'aime me pencher par-dessus l'épaule des écrivains. Alors pourquoi ne pas élargir le champ et découvrir l'arrière-plan familial? Familial, mais pas seulement...
Dans cette biographie romancée, ce n'est en effet pas seulement la vie de Christian que nous découvrons. C'est aussi un peu de Georges, de ses débuts, de ses relations, de son travail. C'est également toute une époque, sombre, de celles où il est si facile de devenir un salaud. A l'heure où la France résonne de mauvais échos, de souvenirs que l'on aurait préféré ne pas voir resurgir, la plongée dans le rexisme s'est révélée particulièrement intéressante. C'est avec un style très particulier, assez déconcertant dans un premier temps, que Patrick Roegiers nous plante devant un meeting de Léon Degrelle, éructant, invectivant, soulevant les passions, entraînant les adhésions. C'est presque perturbant, de se retrouver, en l'espace de quelques pages, dans la peau de celui qui se laisse convaincre, de celui qui écoute et acquiesce, au lieu de tourner le dos, de démonter ce discours aussi haineux que vide, de lui fermer son clapet. J'ai trouvé, oui, presque désagréable de me retrouver, par procuration, à payer pour aller écouter les élucubrations de cet admirateur du nazisme.
Et finalement, j'ai été tellement ferrée dans cet aspect du récit, que j'en ai presque zappé le second versant, à savoir les relations entre Christian et son célèbre frère. Tout au plus en ai-je gardé une image bien écornée d'un auteur dont je ne connais en réalité que quelques livres, sans rien savoir de sa vie. Non, je me trompe : j'ai aussi lu avec beaucoup d'intérêt et de questionnement les passages relatifs à l'enfance des deux Simenon, à la différence de caractère entre eux, et surtout aux différences induites par leur éducation. Qu'est-ce qui fait de nous ce que nous sommes, et jusqu'à quel point nos parents en sont-ils conscients?
J'ai, au final, un peu de mal à dire jusqu'à quel point j'ai aimé. Je pense n'avoir pas totalement adhéré au style -jouant sur les sons, les répétitions, le rythme- qui, s'il est parfait notamment pour planter l'ambiance des meetings rexistes, m'a par contre parfois semblé un peu pesant. En y réfléchissant, je me dis que je ne connaissais pas suffisamment les faits et les gens pour être totalement à l'aise face à l'inévitable frontière entre réalité et fiction (ou peut-être simplement grossissement de certains traits?), ce qui fait que je n'ai jamais trop su sur quel pied danser.
C'est donc davantage comme un roman ou un document historique que j'ai lu ce récit, revenant sur une page sombre de mon pays, de ma région. A ce titre, les informations factuelles fournies en fin d'ouvrage permettent de faire la part des choses entre réalité sous-jacente et fictionnalisation nécessaire.
Merc à NetGalley et à Grasset pour cette lecture qui s'est en tout cas révélée très intéressante.
Challenge Rentrée Littéraire 2015