Celles de la rivière - Valerie Geary

Celles de la rivière - Valerie Geary La femme qu'emporte la rivière Crooked flotte entre deux eaux. Sur la rive, deux fillettes qui jouent dans l'après-midi ensoleillé. Elles sont les premières à découvrir le corps et, soudain, leurs jeux cessent. Leur enfance bascule dans la dureté du monde des adultes. La veille, leur père les a laissées seules suffisamment longtemps pour qu'elles puissent le croire coupable de meurtre. Pour ne pas le perdre, comme elles ont perdu leur mère quelques semaines auparavant, elles décident de mentir sur son emploi du temps... et resserrent bien malgré elles les mailles du soupçon autour de lui, le livrant en pâture à une petite ville dont les préjugés et les rancunes lui laissent peu de chances...

Sam et Ollie ont 15 et 10 ans. Elles viennent de perdre leur mère et vivent, en attendant un autre arrangement éventuel, avec leur père, qu'elles ne voyaient jusque là que pendant les vacances. Celui-ci vit dans un tipi, au milieu d'un pré et de ses ruches, près d'une rivière et d'une petite ville dans laquelle il va vendre son miel. Il est surnommé Ours, y compris par ses filles, et cela lui correspond plutôt bien. Ollie, la plus jeune, n'a pas prononcé un seul mot depuis la mort de sa mère, comme cela lui était déjà arrivé quelques années plus tôt suite à un autre décès, ce qui commence doucement à énerver sa grande soeur. Elle voit des morts, aussi : sa mère et puis cette jeune femme dont la rivière leur a apporté le corps, et Sam refuse d'y croire. Les chapitres sont narrés alternativement par les deux soeurs, permettant au lecteur d'entrer tour à tour dans la tête de chacune d'elles.

C'est une petite ville dans laquelle les rumeurs vont vite. Le genre de petite ville dans laquelle il vaut mieux ne pas trop s'écarter de la norme. Autant dire qu'Ours détonne un peu dans les parages. Lorsqu'une jeune femme est assassinée, son mode de vie atypique ne plaide pas en sa faveur, et les quelques indices relevés sur les lieux ont vite fait de le condamner aux yeux de la police et de la population. Sam elle-même doute, et ne sait que croire, entre son instinct qui lui souffle qu'il est innocent, les questions auxquelles elle ne trouve pas de réponse, et son entourage qui lui rappelle qu'elle connait en réalité très peu son père. Difficile d'aider un père qui semble bien peu déterminé à se défendre. Difficile d'enquêter quand on a à peine 15 ans et qu'on n'est aidée que par une gamine désormais muette.

Vous me connaissez (ou pas), le côté médium ne m'a pas convaincue, ce n'est franchement pas ma tasse de thé, du moins quand il ne s'agit pas de l'objet premier du roman. En revanche, j'ai trouvé les personnages plutôt bien dessinés dans l'ensemble, de même que les rapports entre eux, notamment entre les deux soeurs. Entre l'envie et le besoin de se protéger, de faire bloc, et les centres d'intérêt divergents et les disputes fréquentes à cet âge, j'ai trouvé qu'elles étaient décrites avec beaucoup de justesse et de naturel (excepté le côté "Sixième sens" dont j'ai déjà parlé). J'ai particulièrement apprécié Franny et Zeb, le couple propriétaire du terrain occupé par Ours, grands-parents de coeur des deux filles, et chez qui elles logent suite à l'arrestation de leur père. Deux grands-parents attachants, un peu dépassés parfois par ces deux ados en difficulté mais qui remplissent admirablement leur rôle.

L'énigme policière en elle-même ne casse pas trois pattes à un canard et use de bonnes grosses ficelles, mais elle n'en reste pas moins satisfaisante. En réalité, le point fort du roman, son essence, son sujet sous-jacent et un de ses personnages principaux, c'est la nature. Cette nature dans laquelle Ours a fait le choix de s'installer, la respectant, lui parlant, après avoir quitté la ville. Cette même nature que ses filles respectent autant que lui et qu'elles refusent de quitter, préférant s'installer chez Franny et Zeb plutôt que de rejoindre leurs propres grands-parents en ville. Valerie Geary fait chanter le vent dans les arbres, bouillonner la rivière et parler les abeilles, donnant un côté plutôt poétique à certaines pages.

C'est le premier roman de l'auteur, et j'ai envie de dire que ça n'annonce que du bon :)

Merci à Babelio et aux Éditions Mosaïc pour cette très jolie découverte.

Celles de la rivière - Valerie Geary

Challenge Lecture 2015 - Catégorie : Un livre avec des personnages qui ne sont pas humains (ici : des esprits)