Le chagrin des vivants, Anna Hope

Par Sara
Ceux qui suivent savent quel intérêt je porte au site lecteurs.com, qui m'a permis cet été de participer à l'aventure des Explo-lecteurs, et ainsi de découvrir en avant-première quatre romans de la rentrée littéraire.Cette fois-ci, on m'a proposé de lire le premier roman d'Anna Hope (que l'on m'offrait pour l'occasion), Le chagrin des vivants, et de venir rencontrer l'auteur lors d'une séance de dédicaces dans les locaux de Gallimard.Je ne suis pas un monstre, quand c'est gentiment demandé, je consens à accorder toutes les faveurs qui soient.

Le synopsis
En 1920, se tient en Angleterre une cérémonie d'hommage autour du rapatriement du Soldat inconnu.
Durant quatre jours, l'auteur nous fait côtoyer trois femmes que la guerre a affectées, en emportant l'un de leurs proches, ou en ne leur rendant que l'ombre de celui qu'il était.
Ada poursuit inlassablement le fantôme de son fils, dont les circonstances de la mort n'ont jamais été élucidées, Evelyn porte encore le deuil de son fiancé tombé au combat et voit défiler les survivants au bureau des pensions de l'armée où elle travaille, et Hettie danse avec les anciens soldats pour six pence. 
Mon avis
J'ai pris grand plaisir à la lecture de ce premier roman.
Le premier point notable, c'est qu'il est impressionnant, justement, qu'il s'agisse d'un premier roman, tant la construction et le rythme sont maîtrisés.
L'intrigue se déroule sur cinq jours, le dernier étant dédié à la cérémonie en hommage au Soldat inconnu. Durant ces cinq journées, on suit le quotidien de trois femmes qui n'ont visiblement en commun que d'être londoniennes et contemporaines les unes des autres, jusqu'à ce que leurs liens, plus intimes, se dessinent peu à peu.
Il est touchant de voir comment chacune tente de surmonter les séquelles de la guerre, sous toutes leurs formes.
On ressent avec une facilité déconcertante toutes les émotions auxquelles elles sont en proie : le manque, la douleur, le désir, la volonté de vivre et de danser, d'oublier, de passer à autre chose, la colère, l'amertume aussi parfois, quand bien même elles s'en défendent.
Chacune d'entre elles est confrontée, durant ces journées, à ses failles, à sa vérité, et tâche tant bien que mal d'y faire face et de la surmonter.
L'ambivalence et la complexité des sentiments ressentis sont finement décrites, les personnages sont blessés et vibrants, on partage avec eux cette impression de gâchis, de vanité de la guerre qui a brisé les hommes, et à travers eux, les femmes.
Enfin, l'ensemble est bien documenté et nous transporte dans la Londres des années 1920, où l'atmosphère ambiante est écartelée entre le poids d'un passé morbide et l’irrépressible besoin de jouir de la vie, à tout prix, sans attendre.
Un talentueux premier roman!
Pour vous si...
  • Tout ce qui se rapproche, de près ou de loin, d'un moignon, vous fait un drôle d'effet
  • Vous aimez les personnalités troubles, ces caractères ni blancs ni noirs, qui traînent derrière eux leur lot d'erreurs impardonnables

Morceaux choisis
"C'est parce qu'elle n'est pas à sa place. Aussi loin que remontent ses souvenirs, elle l'a ressentie, cette aspiration."
"Célibataire.
Vieille fille.
Elle est devenue l'une d'elles. Lentement d'abord, puis tout d'un coup. Ces femmes que les autres femmes plaignent. Les chanceuses - bague au doigt et poussette dans la rue -,elles changent de trottoir pour l'éviter. Elles la sentent sur elle. La malchance."
"La guerre. Quelque chose dans ce mot le fait frémir. Un frémissement de plaisir. Le genre qui lui dit qu'un jour, quand il sera grand, il pourrait avoir sa chance."
Note finale4/5(très bon)