Éditeur : Éditions noir sur blanc/Notabilia
Parution : 20/08/2015
Nombre de pages : 310
Genre : roman
L'auteure :
Sophie Divry est née en 1979 à Montpellier et vit actuellement à Lyon. Après "La côte 400" (2010), "Journal d'un recommencement" (2013) et "La condition pavillonnaire (2014), "Quand le diable sortit de la salle de bain" est son quatrième roman.
Quatrième de couverture :
Dans un petit studio mal chauffé de Lyon, Sophie, une jeune chômeuse, est empêtrée dans l’écriture de son roman. Elle survit entre petites combines et grosses faims. Certaines personnes vont avec bonté l’aider, tandis que son ami Hector, obsédé sexuel, et Lorchus, son démon personnel, vont lui rendre la vie plus compliquée encore. Difficile de ne pas céder à la folie quand s’enchaînent les péripéties les plus folles.
Après la mélancolie de La Condition pavillonnaire, Sophie Divry revient avec un roman improvisé, interruptif, rigolo, digressif, foutraque, intelligent, émouvant, qui, sur fond de gravité, en dit long sur notre époque.
Mon avis :
"Salauds de radiateurs. 300 - 260 = 40. Affolé par cette simplissime et répétée soustraction, mon esprit essayait de nier l'évidence du résultat. Il recalculait sans cesse, espérant qu'apparaisse un autre nombre, afin d'éviter la question d'après : comment faire pour tenir dix jours avec quarante euros ?" Sophie la narratrice, journaliste et écrivaine, se trouve au bord de l'indigence quand débute la narration de ses mésaventures. Raide comme un passe-lacet, ce n'est pas quelques piges de temps à autre qui vont rehausser ses finances et la réconcilier avec son banquier. Chômeuse de longue durée, elle vivote avec la poignée d'euros que lui verse le Pôle Emploi au titre de l'ASS, une allocation dérisoire qui ne lui permet pas de boucler ses fins de mois une fois ses charges payées. Taraudée par le démon de la faim, elle rivalise d'astuces culinaires pour tromper son ventre. Alors, le risotto au bouillon-cube et les pâtes améliorées n'ont pas de secret pour elle. Hantée par ses idées noires et ses ruminations mentales, elle cherche en vain la solution qui va la sortir du bourbier dans lequel elle s'est enlisée. S'ensuit un long monologue intérieur, dans lequel Lorchus (son démon intérieur qui tente de la pousser à commettre de vilains méfaits) et sa mère (qui la sermonne et tente de la raisonner) se livrent une bataille acharnée. Que faire pour récolter quelques euros qui la feront tenir jusqu'au versement de sa prochaine allocation ? Revendre ses livres chez Gibert ? Voler le sac d'une petite vieille ? Demander un prêt social d'urgence à l'assistante sociale du CCAS ? Vendre du cannabis ? Céder à moindre prix ses maigres possessions ménagères sur leboncoin.fr ?
Encore un des ces énièmes romans tristes comme un long jour sans pain et qui traitent de la misère et des aléas de l'existence ? Que nenni ! Sophie Divry, avec un humour et une verve irrésistible (pratiquement un éclat de rire à chaque page tournée), nous plonge dans l'univers affamé et déglingué d'une brodeuse de mots qui se nourrit de prose, faute de caler son estomac de nourritures terrestres ! Irrésistible de drôlerie, l'auteure nous régale en jonglant et en jouant avec les mots, dans un style narratif novateur et corrosif : "Ça parle, parle et reparle. Ça parle bis et parle ter. Ça parle forte, ça parle piano. Ça parle beau, ça parle bas. Ça parle, déparle et pseudo parle. Ça parle à bâtons rompus et ça parle à bon escient. Ça parle à mi-voix, ça parle à demi-mots. Ça parle d'abondance, ça parle dans le désert. Ça parle pointu, ça parle haut. Ah ! Qu'est-ce qu'ils parlent !"Voilà voilà, que dire de plus ? Inutile de se perdre en bavardages stériles. Voici un petit livre rouge qui devrait peut-être nous inciter à plus de clémence envers les marmiteux qui tirent le diable par la queue !