Le tirailleur - Alain Bujak et Piero Macola

Par Stéphanie @Stemilou

Présentation
"En 2008 et 2009, à Dreux, j'ai photographié la vie quotidienne d'une résidence sociale Adoma, ex-Sonacotra. J'y ai rencontré Abdesslem, un ancien tirailleur marocain. Il avait alors plus de quatre-vingts ans. Ce reportage terminé, j'ai voulu le revoir. Finalement, nous avons passé des heures ensemble, souvent le matin, autour d'un café clair et très sucré. Je lui demandais de me raconter sa vie. Pèle-mêle, c'est la dernière guerre, la campagne d'Italie, l'Indochine, l'injustice d'une vieillesse miséreuse. Il cherchait dans sa mémoire. Parfois tout venait d'un coup, avec une étonnante précision. Parfois, aussi, il y avait des blancs... Je ne pouvais pas imaginer que l'histoire d'Abdesslem tombe dans l'oubli."

Avis
Je suis tombée sur cette BD un peu par hasard et en jetant un coup d'oeil à l'intérieur c'était bien ce à quoi je m'attendais. Voilà 6 ans qu'Abdesslem vit dans un résidence sociale Adoma (ex Sonacotra) à Dreux, loin des siens restés au Maroc la vie n'est pas facile d'autant plus qu'il se fait vieux, à plus de 80 ans Abdesslem a besoin de rentrer chez lui mais ce n'est pas simple car pour pouvoir toucher sa pension il doit résider 9 mois en France et ce petit salaire de misère qu'il perçoit ne lui permet pas de faire des aller-retour.

C'est dans cette résidence qu'il rencontre Alain Bujak venu faire un reportage-photo dans le cadre de son travail et à qui il confiera son histoire, celle d'un jeune garçon des montagnes marocaines enrôlé de force dans l'armée française pendant la seconde guerre mondiale, il devient un soldat intégré au 4ème régiment des tirailleurs marocains. Un contrat d'engagement qu'il ne sait pas lire est signé pour 4 ans. Sa famille s'inquiète de sa disparition, mais lui est finalement fier de porter l'uniforme militaire et malgré les réticences de son grand-frère il reste au camp militaire jusqu'à ce que le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef lance l'appel qui enverra de nombreux soldats marocains à la mort, allons soutenir la France dans son combat contre l'Allemagne! Mais il n'aurait jamais pu imaginer la réalité des combats.

Cette BD est en fait un témoignage, une histoire vraie et terrible qui nous raconte un petit morceau de l'Histoire de la France et de son protectorat marocain. Le récit d'Abdesslem est touchant, triste aussi et pourtant il n'a pas l'air de regretter s'être battu pour la France mais plutôt d'avoir laissé passer tant d'années loin de sa famille. Je trouve l'idée de cette BD vraiment remarquable, tant de ces tirailleurs sont oubliés par la France même si depuis d'autres mesures ont été prises pour les aider ce qui est signalé en fin d'album mais cela reste quant même insignifiant eu égard à ce qu'ils ont donné. On voit ce vieil homme comme un sage, acceptant ce que la vie a bien voulu lui apporter.

Les dessins sont magnifiques, couleurs douces et trait léger apportant un peu de douceur au malheur d'Abdesslem et de tous ceux qui ont suivi le même chemin que lui. Les auteurs nous offre également en fin d'ouvrage un véritable reportage sur la vie d'Abdesslem dans ses montagnes marocaines, des photos de son quotidien, de sa famille et de son "Chez Lui".

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