Elle a besoin des grands espaces qui se déroulent dans ton cerveau.
Elle a besoin des longs silences entre chaque battement de ton cœur.
Elle a besoin de vide. Elle cherche le creux.
Parfois on la devine dans le fond de tes yeux.
À l’ombre douce du monde, elle étend son corps souple, étire lentement ses bras avides d’abandon.
Dans les heures du soir pareilles à des fantômes, ou dans les matinées semblables à des absences, elle valse, à cœur joie, silhouette indéfinie tournant à l’infini, prise par sa nature, ivre de sauvagerie, muette, les yeux béants : elle vit – et t’attend.
Ce que nous tairons
Nous ne parlerons pas de la profession d’Elettra. La vie quotidienne nous impose suffisamment d’être définis, casés, formatés et déformés par un métier pour ne pas glisser de catégorie socioprofessionnelle (triste mot) entre ces lignes.
Disons qu’Elettra travaille. Tous les jours. Avec des horaires précis. Des collègues, médiocres. Quelques rares appréciables et véritablement intéressants. Quelques rares. Des jours où elle a le sourire aux lèvres, d’autres la boule au ventre. Des vagues de stress et, parfois, une énorme joie qui lui permet de tenir. Parfois.
Un travail donc. Un salaire. Un supérieur. Une nécessité pour pouvoir manger, se vêtir, se faire plaisir, vivre. Pas d’autres choix finalement.
Nous ne parlerons guère du mari d’Elettra. Il existe. Il a un prénom que nous avons déjà évoqué. Un métier omniprésent, omniprenant. Une forme de gentillesse nonchalante ainsi qu’une espèce d’amour sincère pour son épouse, rencontrée il y a dix ans, toujours désirable, toujours prompte aux élans qui habituellement s’éventent avec le temps (avide de gommer ce qu’avant il enchante). Un mari donc. Pas pire qu’un autre. Un peu mieux même. Pas grand-chose à lui reprocher si ce n’est une présence pareille à des points de suspension, une présence qui ponctue les absences. Elettra s’accommode sans en pâtir de cette étrange solitude offerte par son mariage : être seule, pour elle, est un luxe suprême, nécessaire comme peuvent l’être la respiration, les nuages, les rêveries.
Notice biographique
Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan. Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge Déclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai (Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes. Récemment, elle a publié Débandade (roman) aux Éditions Philippe Rey.