Angoulême 2016 : une comédie en plusieurs actes

Fauve pleure

Angoulême.
Chaque année, ses polémiques.
Chaque année, ses coups de gueule.
Mais là, en 2016, c’était carrément le best-of. Une comédie en plusieurs actes.

Acte 1 : Entre hommes
La première polémique de l’année, déjà évoquée sur notre média, mais en bref :
Les auteurs sont invités à voter pour le Grand Prix selon une liste déjà établies.
Elle comporte 30 noms.
Que des hommes. Premier tollé et première réaction : le délégué général du Festival, Franck Bondoux, s’exprime dans « le Monde » : « Le concept du Grand Prix est de consacrer un auteur pour l’ensemble de son œuvre. Quand on regarde le palmarès, on constate que les artistes qui le composent témoignent d’une certaine maturité et d’un certain âge. Il y a malheureusement peu de femmes dans l’histoire de la bande dessinée. C’est une réalité. Si vous allez au Louvre, vous trouverez également assez peu d’artistes féminines. »
On persiste et on signe.
Des auteurs annoncent se retirer de la course.

Acte 2 : Les femmes entrent en scène
Vite, une rustine !
Le Festival compte ajouter six noms d’auteures à la liste déjà établie :
- Lynda Barry (Mes cent démons)
- Julie Doucet (Dirty Plotte, L’Affaire Madame Paul)
- Moto Hagio (Ils sont onze, Le cœur de Thomas)
- Chantal Montellier (Les Damnés de Nanterre, Tchernobyl mon amour)
- Marjane Satrapi (Persepolis, Poulet aux prunes)
- Posy Simmonds (Gemma Bovery, Tamara Drewe)

Acte 3 : Finalement, on va prendre tout le monde
Changement de stratégie. Il n’y aura pas de liste. Les auteurs vont voter pour qui ils veulent. Il y aura trois noms retenus (ceux qui auront été le plus cités), ils seront les trois finalistes.
Ce sont Hermann, Claire Wendling et Alan Moore qui arrivent en finale.
Et de nouveaux couacs, mais qui ne sont pas du fait du salon : la légitimité de Claire Wendling est remise en cause par quelques lecteurs, il y a également un risque que le ou la gagnant(e) refuse le prix.
Un gros ouf de soulagement a dû être entendu à Angoulême : Hermann gagne et il accepte le prix.

Acte 4 : Des paroles sans les actes
Nous en avons aussi parlé ici.
Alors que la grogne des auteurs n’a jamais été aussi forte, alors qu’ils ont réellement besoin d’être rassurés sur l’avenir de la profession, Fleur Pellerin, la Ministre de la Culture, distribue… des médailles. La Ministre a élevé au rang de chevaliers des Arts et des Lettres huit auteurs de BD, Julie Maroh, Chloé Cruchaudet, Aurélie Neyret, Mathilde Arnault dite Tanxxx, Marguerite Abouet, Christophe Blain, Mathieu Sapin, Riad Sattouf ; l’éditeur Jacques Glénat a été élevé au rang d’officier.
Et elle est partie en faisant des promesses.

Acte 5 : Rions un peu
Dans un climat déjà bien tendu, il fallait forcément finir en apothéose.
La cérémonie de remise des prix n’est pas le moment le plus funky du salon et les organisateurs ont décidé de le rendre plus drôle.
Comment ? Richard Gaitet, de Radio Nova, le maître de cérémonie attribue divers prix à Saga (Urban Comics), Inspecteur Kurokochi (Komikku), Les Intrus (Cornélius), Arsène Schrauwen (l’Association), l’Insubmersible Walker Bean (Sarbacane), Carnet de santé foireuse (Delcourt)*, Taiwan Comix, Hans Fallada : vie et mort du Buveur (Denoël Graphic). Avant de dire que c’était une blague.
Drôle, non ?
D’autant plus drôle que les auteurs et éditeurs cités n’étaient pas du tout au courant de la blague. Et ont réellement cru avoir un prix. Ils étaient tristes, des personnes ont pleuré. D’autres étaient en colère. Quelle magnifique blague.
On vous conseille d’aller acheter ces ouvrages pour soutenir ces auteurs et éditeurs. Puis vous pouvez aussi acheter L’humour pour les Nuls et le faire dédicacer au prochain FIBD.

Belle comédie.
Belle farce.
Et comme dans toutes les farces, il faut un dindon. C’est l’auteur. Il est déjà bien plumé.

Rideau ?

Anthony Roux

* Carnet de santé foireuse a eu malgré tout le prix spécial du jury