" Un cheval entre dans un bar "
GROSSMAN David
Dovalé, un comique en représentation sur la scène d'un établissement sinistre situé dans une petite ville côtière, en Israël, Netanya. Spectacle pour lequel il est parvenu à convaincre un magistrat à la retraite d'en être le témoin. Ne se sont-ils pas connus, autrefois, à l'âge de leur enfance puis de leur adolescence ? Le spectacle commence. Mais peu à peu, le comique dévie de son propos initial. Des blagues éculées qui constituent son fond de commerce habituel, il passe à la narration de ce que fut son existence. Ce qui provoque la colère d'une partie de son public qui déserte la salle. Ne resteront, au beau du compte, que quelques inconditionnels et Avishaï Lazar, le magistrat. Lequel magistrat qui, plusieurs fois, avait ressenti de prendre la poudre d'escampette, mais qui s'est entêté et suit jusqu'à son terme la représentation. Une mise à nu en équilibre instable entre humour et réalisme sordide, réalisée sans complaisance par un homme déchiré, un homme meurtri.
David Grossman, écrivain israélien, brosse à travers Dovalé un tableau sans complaisance de la société à laquelle il appartient. Un tableau à la férocité contenue mais bien réelle. Une société dont la violence effraie. A un point tel que la majorité des spectateurs préfère quitter la salle, ne restant en place que celles et ceux qui acceptent (ou se résignent ?) de se confronter à la réalité, " ceux qui accepteront d'avoir une responsabilité par rapport à la blessure qu'ils ont vue. " Tout en établissant ce constat, David Grossman ne désespère pas. Il attend, il espère un sursaut de la société israélienne. Sans trop d'illusion il est vrai. Tant il lui semble que les violences renouvelées ne font que la corrompre toujours plus.
" Autour de moi il y a soixante ou soixante-dix personnes, hommes et femmes, jeunes et vieux confondus, dont la bouche a été truffée de bonbons empoisonnés. Ils émettent d'abord des gémissements confus, se lancent des regards de côté, et soudain s'enflamment. Les cris gonflent la gorge. En cet instant, ils s'envolent tels des ballons, affranchis par la bêtise, libérés de la gravitation universelle, qui trouvent la voie menant au seul parti qui ne sera jamais défait : Applaudissez la mort ! Et presque toute l'assistance hurle et bat des mains en rythme. "