Sous le pied de l’Innu, il y a la Terre mère. Celle qui enfante. Celle qui nourrit. Celle qui donne. Qui guérit. Sous le couvert végétal, entre les sommets escarpés, il y a le monde qui murmure. Un lieu sacré au couvert forestier incrusté de sapins, de bouleaux, d’érables, de lichens ou d’herbes longues. Un sol veiné de rivières gorgées d’une eau vive qui s’engouffre dans des bassins aux contours souvent immenses. À l’intérieur de territoires morcelés, du Nitassinan jusqu’à la toundra du Nord. Sous le pied de l’Innu, il y a la vie qui foisonne. Il y a sa trace incrustée dans la mousse des tourbières.
Dans la main de l’Innu, il y a le Teuehikan. Le tambour qu’il frappe. L’instrument magique duquel il tire le pouvoir — les rêves. Il y a la lance habile qui perfore la ouananiche au fil de l’eau. Il y a le départ du feu qui s’attise entre les pierres. Le repas du soir. Dans la main de l’Innu, il y a celle du patriarche. Témoin et passeur des traditions orales, qui s’inscrivent dans la perpétuation du patrimoine ancestral. Pour la survivance de l’espèce.
Dans l’œil de l’Innu, il y a la brillance du Soleil. Il y a l’éclat de la Lune. Il y a les reflets miroirs sur les lacs tranquilles. Quand les animaux tout près s’y nourrissent. S’y abreuvent. S’y baignent. Il y a encore les étoiles dans le firmament et la profondeur de la nuit. Celle qui emplit l’œil de l’Innu de contes et de légendes.
Dans le souffle de l’Innu, il y a la tempête. Il y a l’orage. Il y a l’hiver rude et la survie dans les montagnes. Il y a Manitou qui chuchote à travers les branches le chemin à suivre. La piste qui s’enfonce dans la forêt boréale. La descente des rapides en canoë. Il y a la fumée purificatrice de l’homme médecine. Il y a la langue vivante. Il y a les pow-wow, grands rassemblements sur les rivages à l’aube où les vagues déferlent. Le long des lacs houleux. Aux sons des chants, aux rythmes des danses et des prières. Il y a le saumon qui remonte à travers le grondement et le tumulte des rivières surgies de gorges et de cavernes profondes. Sources d’eau fraîches qui coulent sauvages, à même les flancs des montagnes. Dans le souffle de l’Innu, il y a aussi le calme de l’existence.
Dans l’âme de l’Innu, il y a le craquement des branches de l’ours en fuite. Il y a la plainte lugubre du loup affamé à la pleine lune et le vol gracieux du faucon dans le ciel rouge de l’été. Il y a l’orignal à l’immense panache, qui, solitaire, fouille les marais en quête de sa pitance. Dans l’âme de l’Innu, il y a l’émerveillement dans le silence. L’amour de la vie au grand air, et bien plus encore.
Dans le sourire de l’Innu, il y a celui de l’enfant qui respecte l’ancêtre. Il y a la chasse, la trappe et la pêche. La cueillette des fruits sauvages. Il y a la guérison par les plantes. Les nuits brumeuses sous le tipi.
Il y a le respect de la nature. Il y a l’immensité. La pureté des territoires.
Dans le cœur de l’Innu, il y a le cercle des jours et des nuits, des saisons, de la vie, de la mort et celui de la course incessante des astres dans les cieux.
Il y avait, il y a et, il y aura…
Luc Lavoie
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Notice biographique
Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval. Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup. Il est présentement courtier en alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans. Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.
Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps. Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité – comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef, dans l’infini littéraire.
Son rêve ? Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles. Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.