Louis Ferdinand Destouches dit Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) est un écrivain et médecin français. Controversé en raison de son antisémitisme et de sa proximité durant l'occupation allemande avec certains milieux collaborationnistes il reste toutefois à l'écart de toute collaboration officielle. Céline est considéré comme l'un des plus grands novateurs de la littérature française du XXème siècle, et l’un des auteurs les plus traduits dans le monde avec Marcel Proust, introduisant un style elliptique personnel et très travaillé qui emprunte à l'argot et tend à s'approcher de l'émotion immédiate du langage parlé.
Tout au long de sa vie Céline aura beaucoup bougé et voyagé. Entre sa naissance à Courbevoie et son décès à Meudon, il aura vécu à Paris, à Rennes, ou bien encore en Angleterre, en Allemagne, au Cameroun et aux Etats-Unis, mais ce ne sont que quelques exemples de ses pérégrinations. Durant une courte parenthèse dans les années 30, l’écrivain s’installera à Saint-Germain-en-Laye.
« Fin 1932, Céline est devenu célèbre grâce au Voyage au bout de la nuit. Ce succès lui apporte la gloire médiatique, et beaucoup d'argent car le Voyage s'est vendu à plus de 100 000 exemplaires et a déjà été traduit en plusieurs langues. Mais la critique attend au tournant le deuxième roman... Céline débute Mort à crédit fin 1933 - début 1934, et travaille à l'écriture du manuscrit jusqu'à sa remise aux éditions Denoël, début 1936. L'afflux d'argent ne change pas fondamentalement le mode de vie de l'écrivain. Fils de commerçants, il a grandi avec la nécessité de « faire tourner la boutique ». Il continue donc à travailler à son dispensaire. Une partie de l'argent qu'il a gagné avec ses droits d'auteurs est réinvestie dans l'immobilier. Céline achète un appartement à Saint-Germain-en-Laye où il vient profiter du calme pour écrire. Le 7 décembre 1933, il achète au peintre Charles Brooke Farran un trois pièces et salle de bains, au 5ème étage du 1, rue Claude Debussy, « tout moderne », et dominant la forêt. »
De septembre 1935 à février 1936, Céline prend une chambre à l'hôtel du Pavillon Royal, mais il a gardé l'appartement de la rue Lepic à Paris. Il compte le quitter en avril de l'année suivante. « Me voici ici, fixé à Saint-Germain. Je quitte la rue Lepic. Je n'y tiens plus. C'est le cœur aussi sans doute qui flanche. C'est l'âge. (...) Je ne débloque pas du bouquin, je suis en maison pour ainsi dire. Je ne sors plus. St Germain me donne plus de ton. Je suis machine, je tourne mieux. »
A Saint-Germain, il termine donc Mort à crédit tout en mijotant Guignol's Band. La semaine, il écrit à Paris, le weekend à Saint-Germain-en-Laye, et à Saint-Malo pendant les vacances. Après la sortie de son deuxième roman en 1936, Céline revient épisodiquement à Saint-Germain-en-Laye.
« En 1939, le docteur Destouches ouvre un cabinet médical au 15 rue de Bellevue, une expérience qui tourne court. Avec la danseuse Lucette Almansor rencontrée en 1936, il s'installe dans une petite maison en location. Lucette qu'il épousera en 1943, distribue des cartes de visite aux pharmaciens et en dépose dans les boîtes aux lettres. Mais Céline ne parvient pas à se constituer une clientèle. Le médecin est pressé car son roman est très mal accueilli par la critique, et les ventes sont mauvaises. Voilà comment l'intéressé décrit son arrivée à Saint-Germain à sa secrétaire Marie Canavaggia, dans une lettre qu'il lui adresse douze jours après la déclaration de guerre à l'Allemagne : « J'essaye de monter une clientèle ici mais les débuts, même en guerre, sont tout à fait difficiles. La maison n'est pas prête. Rien n'est prêt. Enfin c'est un chapitre de plus à cette niaise apocalypse. » Au mois de novembre 1939, Céline poursuit la narration de ses déboires, mais l'expérience saint-germanoise a déjà pris fin. »
Céline n'a jamais voulu prendre le temps de faire sa place de médecin libéral à Saint-Germain-en-Laye. Voyons ce que rapporte Lucette Destouches de cet épisode tragicomique quelques décennies plus tard : « On se serait cru au théâtre », écrit-elle. « Ça ne faisait pas sérieux ; je me souviens d'un noyer magnifique dans le jardinet. (...) On ne vit jamais un client. Louis aimait Saint-Germain et ses terrasses. (...) Il aurait voulu que j'y donne des leçons au conservatoire local. Pourquoi pas ? Mais d'abord, il aurait fallu prendre pied dans la ville. Louis était très impatient. Il aurait attendu un an, peut-être un cabinet aurait-il donné quelque chose mais après un mois d'attente vaine il a voulu partir. »
Après cet échec, Céline part à Marseille pour s’enrôler dans la marine toujours comme médecin « trimballeur de seringues ». Il ne reverra pas Saint-Germain-en-Laye.