City on Fire

City on FireÇa y est. Je suis passée au travers! Ça a été long, mais ça valait le coup. J'en reviens juste pas. City on Fire, cette brique de près de 1000 pages, est un premier roman. Assez impressionnant pour être souligné. Que son auteur soit parvenu à construire une œuvre si maîtrisée et si bien orchestrée me laisse sans voix.Garth Risk Hallberg a mis six ans à écrire son roman. Les éditeurs n'y ont vu que de feu! Avec raison. Dix maisons d'édition se sont arrachées le manuscrit pour en obtenir les droits de publication. Les éditions Knopf ont remporté la mise. Avec un contrat signé de deux millions de dollars US, City on Fire est le roman le plus cher de l'histoire. Combien de sous les éditions Plon ont-ils sortis de leurs poches? On l'ignore et, au bout du compte, ça n'a pas grande d'importance.Au final, ont-ils eu raison de s'exciter le poil des jambes? Oui, absolument.City on Firedébute le soir du 31 décembre 1976Alors que les feux d'artifice illuminent le ciel de New York,Samantha, une jeune punk de Long Island, reçoit deux balles dans le corps et est laissée pour morte dans Central Park. Qui lui a tiré dessus? Pourquoi? Sam survivra-t-elle ou non? Pour connaître les réponses à ses questions, il faut lire jusqu'à la fin.Autour de Sam, dans le coma dans un des hôpitaux de la ville, gravite une dizaine de personnages. Les uns appartiennent à la riche dynastie des Hamilton-Sweeney: le patriarche qui perd la boule, sa seconde femme et son beau-frère démoniaque et sans scrupule. La fille du patriarche et son mari, et le fils mouton noir, homosexuel héroïnomane en rupture de ban avec sa famille, ancien leader d'un groupe punk, devenu peintre, puis photographe. Les autres appartiennent au monde ordinaire: son amant, prof afro-américain gay qui aspire à devenir écrivain, un ado de banlieue asthmatique, un artificier paranoïaque, un inspecteur de police souffrant de la polio, un journaliste trop curieux, une gang de punks, un propriétaire de galerie d'art et son assistante, un animateur de radio controversé.Les vies de ces personnages, qui ont tous un lien, de près ou de loin, avec Sam, se croisent, s'entremêlent. Alors que les uns se cherchent, les autres n'aspirent qu'à se perdre et à s'oublier. Des romans qui se déroulent à New York, ce n'est pas ça qui manque! Souvent, ils n'embrassent qu'un coin de la ville, comme chez Paul Auster. Garth Risk Hallberg, lui, fouille tous les recoins de la Grosse Pomme, du penthouse au squat de junkies. Du Lower East Side à Hell's Kitchen en passant par Brooklyn.Le New York de la fin des années 70 qu'il décrit est vibrant de vérité. Un New York pas du tout glamour, plutôt décadent, violent, corrompue, glauque et anarchique.Garth Risk Hallberg passe avec une aisance impressionnante descoulisses de la bourgeoisie new-yorkaise à celles du mouvement punk. La quête – souvent inaccessible –, l'ambition, les secrets, la trahison et le pardon, la solitude, l'idéalisme sont au cœur du roman. Les airs de David Bowie – période Ziggy Stardust –, de Patti Smith, de Lou Reed et des Ramones vibrent entre ces pages.L'écriture musicale de Garth Risk Hallberg, admirablement traduite par Elisabeth Peellaert, m'a emportée, charmée.  Le travail de recherche et de documentation  qu'il a dû faire est monumental. Des retours en arrière et quelques bonds dans le futur éclairent la vie des personnages sous un autre jour.Garth Risk Hallberg a le don de faire monter la tension et de créer un climat de trouble.City on Fire tient à la fois du roman policier, de la saga familiale, de la fresque urbaine et du roman d'apprentissage. La structure éclatée du roman pique la curiosité: sept parties, séparées par des interludes (extraits de journal, pages d’un fanzine, lettre, etc.). City on Fire
City on Fire
City on FireSi j'ai tourné frénétiquement les cinq cents premières pages, c'est devenu plus laborieux par la suite. J'attendais impatiemment le fameux blackout du 13 juillet 1977 annoncé en quatrième de couverture, ce moment fatidique où une interruption de courant a plongé New York dans le noir. Il est arrivé très (trop) tard…Avec 300 pages en moins, j'aurai crié au chef-d'œuvre. (Et dire que le brouillon du roman faisait 1400 pages…). Malgré ses quelques longueurs, City on Fire demeure un roman explosif, tentaculaire, d'une maîtrise impressionnante. Un époustouflant tour de force.City on Fire, Garth Risk Hallberg, Plon, 992 pages, 2015.Une petite note en bas de page a attiré mon attention. Garth Risk Hallberg fait référence aux frères Collyer. Du coup, j'ai envie de me plonger dans le roman de E. L. Doctorow, Homer & Langley.
City on Fire
Reclus dans leur maison de la Cinquième Avenue depuis la disparition de leurs parents en 1918, deux frères traversent le siècle en assumant une ardente vocation d'ermites. À leur grand dam, leur solitude est pourtant troublée par deux guerres mondiales ainsi que par les irruptions des multiples acteurs de la comédie humaine dont New York est le théâtre - avec ses immigrants, ses prostituées, ses gangsters et autres musiciens de jazz. Pianiste aveugle passionné de musique classique, grand amateur de femmes, Homer est à peine plus raisonnable que son frère, Langley, esprit rebelle et farfelu, friand d'objets en tout genre qu'il amasse au gré de ses lubies... Inspiré d'une histoire vraie - celle des frères Collyer, collectionneurs compulsifs retrouvés morts en 1947, ensevelis sous des piles de journaux et de livres -, ce roman drolatique, pétri d'humanité et porté par deux personnages dont la loufoquerie le dispute à l'humour, narre, à sa façon jubilatoire, l'épopée du matérialisme et de la solitude made in USA.