Arielle CAISNE.
Editions France Loisirs.
171 pages.
Résumé:
Roman autobiographique d'une jeune femme qui fut violée à l'âge de six ans par un jeune voisin de dix ans son aîné, L'Ortie raconte la détresse, le traumatisme indélébile d'une enfant qui vit un drame, sans qu'aucun des adultes, là, tout près, lui inspire la confiance qu'il faudrait pour dire, pour arrêter le cauchemar.
Mon avis:
Je n'avais jamais lu de romans autobiographiques sur ce sujet, qui m'intéresse pourtant beaucoup, car j'avais un peu peur de tomber dans le voyeurisme.
Pourtant, dès le prologue, on nous explique que l'auteure a écrit ce récit dans le but qu'il soit lu, pour se libérer de la douleur qu'elle ressent depuis longtemps, mais aussi pour aider peut-être d'autres personnes, qui comme elle, ont subi cela.
Dès les premières pages, l'auteure, de son pseudonyme Arielle Caisne, nous prévient d'emblée que ce livre est destiné aux adultes, car ses mots seront durs, parfois crus et qu'ils peuvent donc choquer les plus jeunes. Mais ce ton froid, et l'emploi de certains mots forts sont nécessaires je pense, pour nous montrer et nous faire prendre conscience réellement de ce qu'elle a subi à partir de l'âge de six ans, au quotidien et pendant des années.
Arielle Caisne, fille unique, a grandi seule. Elle est souvent délaissée par ses parents et surtout par sa mère, souvent absente du foyer familial, qui était une femme froide et qui manquait cruellement d'amour maternel. Elle n'était pas non plus proche de son père, un homme qu'elle décrit comme lâche et qui préférait passer son temps secrètement chez la voisine.
Elle se lie alors d'amitié avec son jeune voisin de 16 ans. C'est avec toute l'innocence et la naïveté d'une enfant qu'elle fait confiance à ce jeune homme, qu'elle considère comme le frère qu'elle n'a jamais eu, et qui malheureusement va devenir son bourreau. "L'hideu"comme elle l'appelle, ce monstre inhumain qui n'a donc pas le droit d'avoir un nom, va lui faire subir les pires horreurs, lui faire mal, aussi bien physiquement que mentalement, et cela pendant de nombreuses années.
Après avoir vécu ce traumatisme, la vie ne sera plus jamais la même pour Arielle qui se sent sale, honteuse et désemparée. Dans le roman, le fait qu'elle se compare à une ortie, une plante désagréable, gênante, qui pousse seule, montre l'image néfaste qu'elle a d'elle même et toute la tristesse qu'elle ressent. Comment se construire, grandir, quand on a été privé d'enfance? Apeurée, elle n'a jamais osé parler, avouer toute la vérité à un adulte. Ces grandes personnes qui la laissaient souvent seule et ne voyaient rien. On sent qu'elle ressent beaucoup de rancœur vis à vis d'eux, mais surtout vis à vis de sa mère, qu'elle appelle "l'Adulte", qui n'a pas su la protéger et qui l'a abandonné.
C'est un roman poignant sur l'enfance détruite d'une petite fille qui a connu l'horreur et qui n'a trouvé personne à qui se confier.
Pourtant, malgré la détresse dans laquelle elle reste plongée durant des années, plus-tard elle fonde une famille. Elle exprime aujourd'hui son envie d'aimer et d'offrir une enfance heureuse à ses enfants, selon toute vraisemblance elle a manqué.
Mais comment continuer à vivre normalement? Comment accorder de nouveau sa confiance à quelqu'un, un homme qui plus est? Comment être heureuse et sourire à nouveau, quand on a ce mal-être ancré en soi?
Ainsi, elle avoue avoir du mal à montrer ce qu'elle ressent et à gérer ses émotions au quotidien, le simple fait de jouer avec ses enfants n'est pas évident . Bien qu'aujourd'hui son malaise est toujours présent, on ressent surtout un soulagement de sa part de pouvoir enfin se libérer du poids qui lui pèse sur le cœur, de ces années de torture et de soumission qu'elle a enduré dans le silence. Elle nous confie également qu'elle s'en veut de ne pas avoir réagi, de ne pas avoir eu le courage de crier ou d'avouer. Mais qu'aurait pu faire une enfant face à un adolescent qui la menaçait de la tuer si elle parlait?
Le récit d'Arielle Caisne m'a profondément touché. J'ai eu la gorge serrée tout au long de ma lecture, car elle nous raconte avec beaucoup de pudeur mais en même temps sans détours, les mots crus qu'il lui disait, et les actes malsains dont elle a fait l'objet. J'ai trouvé la plume de l'auteur très belle, très poétique, malgré la douleur qui ressortait de ce texte, comme une complainte, une litanie.
D'ailleurs, la mise en page est très particulière, parfois comme des vers, certaines pages ne comportaient que deux ou trois phrases, notamment les passages où elle nous raconte ce que lui fait subir son voisin.
Pour conclure:
Un récit touchant et dur, sur la cruauté que peut parfois détenir l'être humain. Les confessions d'une femme victime dès son plus jeune âge de violences insoutenables, qui tente encore aujourd'hui de se reconstruire à travers l'amour qu'elle porte à sa famille. Je vous le conseille si vous vous demandez comme moi comment s'en sortent psychologiquement les victimes de viol et, où ils puisent la force pour sortir d'une telle épreuve.
Ma note: 14/20.